Ainsi parle à la jeune baronne de Berghen cet aimable et sceptique abbé de La Tour, qui trouve peu sûr pour son repos de passer un hiver entier a Altendorf, près de Constance.
La conclusion de la seconde partie répète la même idée, mais d’un ton moins léger, et avec un certain accent d’élévation dans la bouche de Constance :
Ce roman achevé, duquel je n’ai extrait que la pensée, en négligeant mainte délicatesse de détail, il reste de quoi réfléchir longtemps. Qu’il y a là, me disais-je, plus de choses qu’il ne semble ! combien de résultats et d’observations y passent sans prétendre à se faire admirer ! et qu’il est agréable, dans un mot, dans un trait, de les saisir ! La morale en est bien sceptique, mais en somme elle tourne au bien ; il y a une vraie tolérance qui n’est pourtant pas l’indifférence totale. C’est un roman de Directoire, mais qui se peut avouer et relire, même après toutes les restaurations.
Ne soyons pas si fiers en effet : austères régens de notre âge, et qui le preniez si haut, kantistes, éclectiques, doctrinaires et tous, nous ne sommes pas si riches en morale ; et vous-mêmes l’avez bien, à la longue, un peu prouvé. Qu’est-ce à dire ? Après trente ans, qui n’a lu dans bien des intérieurs d’hommes, sans parler du sien, et qui n’a compris ? En littérature, c’est pire : l’esprit seul désormais y fait loi. Intrigue, piraterie, vanité sans frein, vénale cupidité ! oh ! si, dans tous ces gens d’esprit à foison, il y avait au cœur un endroit sain, une once, un grain d’honnêteté, un seul dans chacun, que ce serait beaucoup ! En ces momens de dissolution de doctrines et de cohue universelle, à tout prix il importe d’avoir au dedans de soi, dans son caractère, dans sa conduite, des points invincibles et inexpugnables, fussent-ils isolés et sans rapport avec le reste de nous-mêmes, — oui, des espèces de rochers de Malte ou de Gibraltar où