riche négociant de Francfort, et arrivé depuis peu à Neuchâtel pour y étudier le commerce ; c’est un apprentif de comptoir, rien de plus. Mais il a de l’esprit, des sentimens, assez d’instruction : il est bien né. Ses lettres, qui suivent celles de Juliane, et qu’il adresse à son ami d’enfance, Godefroy Dorville, à Hambourg, nous décèlent sa distinction naturelle et nous le font aimer. Il commence par juger assez sévèrement Neuchâtel et ses habitans. Aussi, pourquoi faut-il qu’il soit tombé tout d’abord en pleines vendanges, dans des rues sales et encombrées ? Grands et petits, on n’a raison de personne en ces momens, chacun n’étant occupé que de son vin :
Henri Meyer, tout bon commis qu’il est au comptoir, a donc le cœur libéral, les goûts nobles ; il a pris, à ses momens perdus, un maître de violon, il songe aux agrémens permis, ne veut pas renoncer aux fruits de sa bonne éducation et se soucie même d’entretenir un peu son latin. Il cite en un endroit le Huron ou l’ingénu, et par conséquent ne l’est plus tout-à-fait lui-même. Rien d’étonnant pour nous, après cela, qu’il observe autour de lui et s’émancipe en quelque malice innocente. Voici l’une de ces pages railleuses que les Neuchâtelois d’alors (c’est comme pour la Hollande, je ne parle qu’au passé) ne pardonnaient pas à Mme de Charrière d’avoir mise au jour :
- ↑ La vente, fixation annuelle du prix du vin, faite par le gouvernement.