sions à souhait et selon tout notre idéal, un bon nombre de ces articles médiocrement sévères et de ces portraits ne seraient guère autre chose qu’une manière de coup d’œil sur des coins de jardins d’Alcibiade, retrouvés, retracés par-ci par-là, du dehors, et qui ne devraient pas entrer dans la carte de l’Attique : cette carte, c’est, par exemple, l’histoire générale de la littérature, telle que la professait ces années précédentes, et que l’écrira bientôt, nous l’espérons, notre ami Ampère, ou quelqu’un de pareil. En choisissant avec prédilection des noms peu connus ou déjà oubliés, et hors de la grande route battue, nous obéissons donc à ce goût de cœur et de fantaisie qui fait produire à d’autres, plus heureux d’imagination, tant de nouvelles et de romans. Seulement nos personnages, à nous, n’ont rien de créé, même quand ils semblent le plus imprévus. Ils sont vrais, ils ont existé ; ils nous coûtent moins à inventer, mais non pas moins peut-être à retrouver, à étudier et à décrire. Il résulte de ce soin même et de ce premier mystère de notre étude avec eux, que nous les aimons, et qu’il s’en répand un reflet de nous à eux, une teinte qui donne à l’ensemble de leur figure une certaine émotion : c’est souvent l’intérêt unique de ces petites nouvelles à un seul personnage. En voici un encore vers lequel le hasard nous a conduit, et auquel une connaissance suivie nous a attaché.
Horace aime à poser sa Vénus près des lacs d’Albane en marbre blanc, sous des lambris de citronnier : sub trabe citreâ. Volontiers, certains petits livres, nés de Vénus et chers à la grace, se cachent ainsi parfumés dans leurs tablettes de bois de palissandre. Pour qui, il y a vingt ans, a jeté parfois un œil curieux, dans une attente chérie, et a promené une main distraite sur quelqu’un de ces volumes préférés, rien de plus connu que Caliste ou Lettres écrites de Lausanne ; rien ne l’est moins que l’auteur. C’est de lui que j’ai à parler.
Au titre de l’ouvrage, on croirait l’auteur de Lausanne même ou de la Suisse française. Mme de Charrière y habitait, mais n’en était pas. Son nom est à ajouter à cette liste d’illustres étrangers qui ont cultivé et honoré l’esprit français, la littérature française, au XVIIIe siècle, tels que le prince de Ligne, Mme de Krüdner. Elle était Hollandaise ; il faut oser dire tous ses noms.
Mlle I.-A.-E. van Tuyll van Serooskerken van Zuylen était fille des nobles barons ainsi au long dénommés. On l’appelait Belle de son prénom, abréviation d’Isabelle ou d’Arabelle. J’ai eu entre les mains nombre de lettres d’elle à sa mère et à une tante, dans l’intervalle des années 1760-1767. Elle n’était pas mariée à ces dates ; elle pou-