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ÉCONOMIE POLITIQUE.

prophétique, et un mérite solide dans quelques thèses d’économie politique, comme la mobilisation de la propriété foncière, le morcellement du sol, les salaires, et particulièrement les banques et institutions de crédit, chapitre remarquable, complété par une note fort développée et qui mérite attention. En un mot, quoique l’ouvrage, dans son ensemble, ne réponde pas parfaitement aux engagemens positifs du titre, il ne sera pas lu sans profit par les personnes intéressées à la prospérité du commerce, de l’industrie et de l’agriculture.

En groupant les ouvrages dont nous venons de rendre compte, le hasard nous a fait assister aux embarras de plusieurs âges ; il nous a fait toucher les côtés épineux de plusieurs systèmes. Cette expérience conduit naturellement à une dernière réflexion. La politique, telle qu’elle a cours en France, a déposé dans les esprits des germes irritans, qu’on voit à certaines époques se développer comme par contagion. À ceux qui redoutent les crises de ce mal, pour le pays et pour eux-mêmes, nous enseignerons un remède : qu’ils s’appliquent de bonne foi à l’étude des affaires positives. Dès qu’on peut pénétrer dans l’organisation des siècles antérieurs et se représenter le sort qu’on y eût trouvé, on se résigne assez facilement à vivre dans ce pauvre XIXe siècle, si noir qu’on le fasse. Il est bon d’entrevoir dans le spectacle du passé tout ce qu’il faut de temps et d’efforts pour opérer au sein d’un peuple le classement des conditions et l’équilibre des intérêts ; pour ordonner le moindre des services publics ; pour faire sortir d’une controverse le jet lumineux qui frappe et vivifie les opinions. On souffre moins alors de la fièvre du progrès ; on sait résister à des impatiences de malade. On ne cesse pas pour cela de poursuivre les améliorations exigées par le présent ; mais, comme on a mesuré les difficultés de la tâche, on ne refuse plus l’indulgence à ceux qui ont charge de l’accomplir. On tient moins aux professions de foi, beaucoup plus aux actes. On prend en pitié, et cette guerre systématique qui n’est pas autre chose qu’une batterie d’aveugles, et cette polémique qui ne sait que mettre deux personnes en balance, qui s’occupe toujours des instrumens ; de l’œuvre, jamais ! On rougirait surtout de grossir cette foule qui place niaisement toutes les chances du pays sur une seule tête, semblable à ces gens qui, autour d’un tapis vert et regardant une partie sans la comprendre, parient pour un joueur sur la vague idée qu’ils se font de son bonheur ou de son adresse. Heureusement que de jour en jour il devient plus facile de s’éclairer sur les intérêts nationaux. Des documens officiels, des travaux particuliers qui épuisent successivement les questions générales, complètent la leçon qui ressort du spectacle des évènemens. Que les hommes de bonne foi, et c’est le plus grand nombre, entreprennent sincèrement leur éducation politique. Quel que soit leur point de départ, ils s’étonneront bientôt de se rencontrer sur un même terrain, et d’y former, par leur réunion, une force assez imposante pour commander le silence à tous les égoïsmes, et pour entamer l’œuvre de l’avenir avec calme et dignité.


A. C.-T.