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ÉCONOMIE POLITIQUE.

l’auteur s’applique moins à dévoiler le rôle politique du commerce dans les plus importantes cités que son mouvement extérieur ; il se préoccupe beaucoup moins du sort des classes laborieuses que de l’énumération des marchés, des routes commerciales, des principales denrées et objets d’échange. Quelques recherches sur les procédés de l’industrie ancienne, sur les ressources et les résultats de la fabrication, auraient eu du moins le piquant de la nouveauté, et eussent été, pour le livre de M. Richelot, un excellent titre de recommandation ; mais l’auteur s’est proposé, non pas de faire des découvertes dans le champ ingrat de l’érudition, mais de grouper dans un résumé brillant les faits déjà connus. Le talent d’expression qu’on remarque en certains passages aurait pu être employé plus utilement ; une esquisse aussi légère que celle-ci, nous paraît sans attraits pour ceux qui peuvent se souvenir, et sans profit pour ceux qui ignorent.

Les Recherches sur le droit de Propriété chez les Romains, par M. Charles Giraud, professeur à la faculté d’Aix[1], sont d’un égal intérêt pour la science économique et pour la jurisprudence. La somme des acquisitions que l’homme a réalisée dans une société étant la mesure du bien-être et de la prépondérance qu’il y peut espérer, le désir de s’approprier un gage d’avenir ne tarde pas à s’emparer de chacun et à le dominer avec la force et la persistance d’un instinct naturel. Ce mobile, loin d’être malfaisant par lui-même, est un ressort indispensable pour le succès de l’association ; et tant qu’il agit équitablement, c’est-à-dire tant que chacun entrevoit, au terme d’une carrière plus ou moins rude, la sécurité pour prix de ses efforts, le concert des volontés détermine une période florissante. C’est seulement quand les chances deviennent trop inégales que le malaise commence et s’aggrave, si l’on n’y porte remède, jusqu’au jour de la désorganisation complète. Dès qu’on connaît les lois qui ont régi chez un peuple le droit de propriété, son histoire se laisse pénétrer bien facilement : on a le mot de tous les grands problèmes. Le livre de M. Giraud sera donc un des plus utiles pour l’étude de l’histoire romaine. Ce n’est pas que ses conclusions soient toujours d’une évidence victorieuse : elles contrarient plus d’une fois les idées admises et ne s’établiront pas sans combat dans le domaine de la science ; mais il faut savoir gré à l’auteur de l’effort d’érudition qu’il a dû faire pour réunir jusqu’aux moindres élémens de la controverse. Grace à lui, le procès est si minutieusement instruit, qu’une décision éclairée ne saurait plus se faire attendre.

Après une savante introduction sur l’origine et les caractères de la propriété chez les peuples primitifs, M. Giraud borne ses vues à l’horizon romain. Numa institua, comme on sait, la propriété territoriale, en répartissant entre les citoyens les conquêtes de Romulus, et en consacrant ce pacte fondamental par des cérémonies religieuses. Mais quelles furent les conditions du partage ? Deux systèmes à ce sujet se sont produits sous l’autorité de deux

  1. Chez Videcoq, libraire, place de l’Odéon, et chez Labitte, quai Malaquais.