Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/702

Cette page a été validée par deux contributeurs.
698
REVUE DES DEUX MONDES.

français, les plus simples notions de la justice et du droit des gens. Mais serait-il vrai qu’irréprochable sur les motifs de sa résolution, le gouvernement ait failli dans l’exécution et le choix des moyens, qu’il ait été, comme le prétend M. Guizot avec un superbe dédain, faible, indécis et inhabile ? Non, monsieur, et jamais on n’apporta plus de mauvaise foi, plus d’injuste passion, dans l’examen de la conduite d’un gouvernement. Le ministère n’a été ni faible, ni malhabile, ni indécis ; il a toujours parfaitement su ce qu’il voulait ; il a proportionné les moyens au but ; il n’a rien ménagé par faiblesse, rien outré par imprudence ; il a très bien choisi le chef de l’entreprise, et il a pris sur chaque chose, et à chaque époque, son parti sans tâtonnement et sans irrésolution. Je sais bien qu’on lui reproche d’avoir envoyé d’abord sur les côtes du Mexique une force de blocus, et puis une escadre d’attaque, et qu’on en conclut qu’il aurait dû en venir tout d’un coup aux dernières extrémités, sans essayer d’une voie de contrainte ordinairement efficace, qui tient le milieu entre la guerre et la paix ; je sais encore que maintenant on lui fait un crime de n’avoir pas mis sur l’escadre des troupes de débarquement, ce qui aurait infailliblement nécessité le double de vaisseaux et de dépenses. À ces reproches, je ne me contenterai pas de répondre qu’on lui en aurait certainement adressé de tout contraires, s’il avait fait dès l’abord ce qu’on le blâme aujourd’hui de n’avoir pas fait : ce serait une réponse trop commode et trop générale. Mais il est facile de prouver qu’il aurait eu tort d’agir autrement, et que, dans cette supposition, ses adversaires auraient eu un juste sujet de l’accuser. Quoi ! aurait-on dit, vous déclarez la guerre brusquement, vous ne tentez pas quelque moyen plus doux, qui ménage un peu plus l’amour-propre mexicain ! vous jetez prématurément le pays dans la plus dispendieuse de toutes les entreprises, une expédition navale à deux mille lieues de la France ! les quelques mille hommes que vous envoyez disparaîtront dans ce vaste pays du Mexique, sous l’action combinée du climat et de la résistance locale ; vous allez soulever contre vous la population tout entière ; c’est la guerre de 1808 contre l’Espagne que vous recommencez à une distance énorme de la patrie ! c’est pis encore, c’est peut-être l’expédition de Saint-Domingue sous le consulat ! On aurait dit bien autre chose. On aurait exagéré les inquiétudes de l’Angleterre et des États-Unis ; on aurait supposé des projets de conquête ; si un prince français avait fait partie de l’expédition, on aurait accusé le gouvernement de vouloir fonder pour lui une monarchie sur les ruines d’une république, et le patriotisme de l’opposition n’aurait pas manqué de prendre parti pour les Mexicains contre la France, avec toutes les phrases que vous savez sur la politique de cour, et la cour et les courtisans. On aurait dit au ministère : Mais vous aviez la ressource du blocus, moyen certain, quoique un peu lent, de réduire le Mexique, sans lui inspirer de trop justes inquiétudes sur son indépendance et sa constitution républicaine, sans alarmer la jalousie de l’Angleterre, sans menacer la prépondérance que les États-Unis se croient en droit d’exercer sur le nouveau continent. À quoi bon tant de dépenses, tant de bruit, un arme-