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son propre compte, et l’année suivante, son action fut conjurée par des promesses qui n’ont jamais été remplies. Après la révolution de juillet, on espérait que la prompte reconnaissance de la république et de l’indépendance mexicaines, par le nouveau gouvernement, ne laisserait désormais subsister aucun ombrage entre le Mexique et la France ; que le Mexique ouvrirait libéralement ses ports, ses marchés, ses villes, à une nation amie, désintéressée, nullement ambitieuse, qui lui envoyait des ouvriers habiles, des ingénieurs, des médecins, les produits d’une civilisation et d’une industrie avancée, et qui offrait, aux Mexicains en France, tous les avantages de la nationalité française[1]. Mais il n’en fut pas ainsi : les anciens griefs demeurèrent sans satisfaction, et chaque année en vit naître de nouveaux. La promesse de payer l’indemnité qui était due aux négocians français pour le pillage des magasins du Parian à Mexico, en 1828, fut sans cesse éludée, sous mille prétextes, avec une mauvaise foi révoltante ; la sécurité et la liberté du commerce de détail furent menacées à chaque instant par une législation anarchique et des préjugés indignes de la civilisation moderne ; trois traités entre le Mexique et la France, conclus par les plénipotentiaires mexicains et ratifiés par le gouvernement français, furent successivement rejetés et méconnus par le gouvernement de Mexico ; puis vinrent des insultes à la légation, des assassinats de Français impunis, des destructions d’établissemens utiles fondés par des Français, des emprunts forcés, des emprisonnemens, des expulsions arbitraires, des persécutions sauvages de la part des autorités mexicaines, des mesures barbares envers notre marine, des vexations sans nombre et sans terme, et tout cela couronné, en juin ou juillet 1837, par un refus formel de réparations, de satisfactions et d’indemnités. C’est à la suite de ce refus (que l’accueil fait, un mois auparavant, à l’amiral La Bretonnière ne pouvait faire prévoir), que le ministre français, M. Deffaudis, s’est déclaré hors d’état de rien obtenir par les voies ordinaires de la négociation, et que le gouvernement français, poussé à bout, lui a donné l’ordre de présenter son ultimatum, et de se retirer, si on le rejetait, à bord de l’escadre envoyée pour bloquer les ports du Mexique.

On se demandera peut-être pourquoi tant de longanimité envers le Mexique, pourquoi on a laissé tant de griefs s’accumuler, pourquoi tant de griefs impunis ? La raison en est bien simple. Au milieu des révolutions qui bouleversaient ce pays à chaque instant, la France, dans un esprit de modération qui était bien digne d’elle, ne voulait pas ajouter, par des réclamations onéreuses, aux embarras des gouvernemens nouveaux qui se succédaient d’année en année, quelquefois même à des intervalles plus rapprochés. La guerre civile avait épuisé les ressources de la république ; on la ménageait. Ces gouvernemens d’ailleurs, et surtout les chefs du parti fédéraliste, quand les ré-

  1. C’est ainsi que jusqu’à ces derniers temps un certain nombre de jeunes Mexicains ont obtenu du ministre de la guerre, sur la demande de leur chargé d’affaires à Paris, l’autorisation de suivre les cours de la première école spéciale du monde, l’École polytechnique.