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DE LA LITTÉRATURE ANGLAISE.

reproduisent les mœurs du peuple ; la bonne compagnie s’en amuse. Mistriss Gore, Lister, lord Normanby, mistriss Norton, surtout lady Charlotte Bury, brillent dans le premier de ces domaines. Théodore Hook, Hood, récemment éclipsés par Dickens, auteur de Pickwick, ont fait grand bruit dans le second genre. En dehors de la division établie par nous, se placent les observateurs écossais, Hogg et Galt, d’une sagacité mordante et dure ; Harrison Ainsworth, qui a voulu fondre le roman comique et les souvenirs de l’histoire ; Ward, subtil et ingénieux ; la satirique mistriss Trollope ; l’élégante miss Landon ; Mme Jamieson, qui écrit avec grace et qui possède le sentiment des arts ; lady Blessington, l’amie de Byron, celle qui, en trahissant ses secrètes confidences, a le mieux éclairé cette singulière ame de poète, de héros, de coquette et de fat.

C’est, comme on le voit, une forêt de romans, ou si l’on préfère une métaphore maritime, c’est une succession infinie de petites vagues qui se brisent, se perdent et s’effacent. Nous sommes loin d’avoir énuméré tous les candidats de cette gloire éphémère ; nommons mistriss Howitt, mistriss Hall, Allan Cuningham, le second Grattan, fils de l’orateur, D’Israëli jeune, Mme Shelley. Nous ne parlons que des astres de l’année dernière, et nous ne pouvons prévoir le nombre et les ellipses de ceux qui brilleront l’année prochaine. Le roman est tour à tour le cri, le gémissement, l’hymne, le bruit, la leçon, le murmure, le sifflet et l’éclat de rire qui émanent de tous les mouvemens de la société anglaise. Après 1815, l’aristocratie britannique se pavane, fière de se retrouver vivante ; aussitôt naissent les fashionable novels, avec leur soie et leur velours, leurs grimaces d’élégance, leur code d’étiquette, leurs gants jaunes, leur babil sur le turf et sur la plus légitime manière de tenir sa fourchette et de se présenter dans un salon. Ward, Lister, lord Normanby, mistriss Gore, joignent à ces enseignemens des observations assez délicates. La bourgeoisie enrichie lève les yeux avec envie vers ces régions du privilége ; elle tente d’imiter l’art de se taire spirituellement et de poser avec grace ; elle achète des hôtels, loue des valets, nage dans l’or et le ridicule, et se laisse peindre par un homme d’esprit qui aime trop la caricature : Théodore Hook, auteur des Sayings and doings ; talent vif, mordant, qui défend la cause conservatrice, comme le font d’ailleurs la plupart des talens en Angleterre. Il réussit à reproduire la classe aspirante, cette classe de chrysalides, suspendue encore entre le commerce auquel elle doit sa fortune, et la noblesse dont elle espère le baptême. Pendant ce temps, la vieille Angleterre, l’An-