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DE LA LITTÉRATURE ANGLAISE.

sentimentale, gémissemens éternels, fureurs absurdes ; aucune vraisemblance, et nulle précision dans le dessin des caractères. Les fournisseurs habituels se contentent d’arranger des farces ou des vaudevilles français ; quant aux premiers noms, ils échangent mutuellement leurs éloges intéressés, et doivent leur réputation à ce trafic : l’inspiration leur vient des coulisses et non de la nature ; jamais une pensée nouvelle et vigoureuse ne se fait jour à travers leurs œuvres. » L’ancienne ennemie de l’Edinburgh, le Quarterly Review, proclame aussi hautement la décadence du drame anglais, qui compte aujourd’hui deux écrivains en renom : Sheridan Knowles et Litton Bulwer, et deux ou trois jeunes candidats au même genre de renommée Talfourd, auteur de la tragédie grecque d’Ion ; Taylor, auteur d’Artevelde ; Harness et Browning.

Des romans, bien ou mal versifiés, tels sont ces drames. La vérité est immolée à l’analyse, la situation au coup de théâtre, l’intérêt à l’imbroglio, quelquefois l’action au mysticisme. Une pièce prétendue, intitulée Paracelse, ne contient qu’une rêverie en cinq actes sur les sciences occultes et les aspirations de l’ame vers l’idéal. Bonjour et Adieu, titre affecté d’une tragédie sentimentale, n’offre qu’une nouvelle dialoguée, écrite d’un style fleuri et quelquefois touchant. Talfourd, dans son Ion, que les critiques ont porté aux nues, et dont le sujet est à peu près celui d’Athalie, essaie de raviver la simplicité grecque ; effort perdu, tentative littéraire qui ne peut avoir de résultat populaire au milieu de la complication d’intérêts qui précipitent et remuent la nouvelle Europe chrétienne. L’Artevelde de Taylor, œuvre laborieuse et estimable, manque d’intérêt scénique. Sheridan Knowles, long-temps acteur, a exploité son expérience, fabriqué des drames incidentés, et excité l’intérêt par un appel quelquefois poétique, souvent exagéré, aux douleurs et aux passions de la vie domestique : Virginius, l’Épouse, le Bossu, la Fille, ont obtenu des lueurs de succès. Tout ce qui reste de vie au théâtre britannique se résume chez cet écrivain, dont le style a de la douceur sans fermeté ; et dont les plans incohérens et invraisemblables, enchaînant une multitude de péripéties inutiles ou inattendues, ne semblent qu’un prétexte offert à la verve larmoyante d’une poésie sans virilité. Une des cordes les plus vibrantes de l’intelligence et de l’ame anglaises résonne cependant sous sa main : il cherche, à l’instar de Wordsworth, la terreur et la pitié près du foyer domestique ; il les puise dans les sentimens et les amours de la famille, quelquefois entraîné vers la mollesse emphatique de Kotzebue, souvent aussi pa-