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L’idée de ces braves gens eut du succès : moins de trente-six heures après le premier bajoc distribué, la pauvre Hélène, au secret, au fond de son cachot, savait que Jules était vivant ; ce mot la jeta dans une sorte de frénésie : — ma mère, s’écriait-elle, m’avez-vous fait assez de mal ! — Quelques heures plus tard, l’étonnante nouvelle lui fut confirmée par la petite Marietta, qui, en faisant le sacrifice de tous ses bijoux d’or, obtint la permission de suivre la sœur tourière qui apportait ses repas à la prisonnière. Hélène se jeta dans ses bras en pleurant de joie.

— Ceci est bien beau, lui dit-elle, mais je ne resterai plus guère avec toi.

— Certainement ! lui dit Marietta. Je pense bien que le temps de ce conclave ne se passera pas sans que votre prison ne soit changée en un simple exil.

— Ah ! ma chère, revoir Jules ! et le revoir, moi coupable !

Au milieu de la troisième nuit qui suivit cet entretien, une partie du pavé de l’église s’enfonça avec un grand bruit ; les religieuses de Sainte-Marthe crurent que le couvent allait s’abîmer. Le trouble fut extrême, tout le monde criait au tremblement de terre. Une heure environ après la chute du pavé de marbre de l’église, la signora de Campireali, précédée par les trois bravi au service d’Hélène, pénétra dans le cachot par le souterrain.

— Victoire ! victoire ! madame, criaient les bravi.

Hélène eut une peur mortelle ; elle crut que Jules Branciforte était avec eux. Elle fut bien rassurée, et ses traits reprirent leur expression sévère, lorsqu’ils lui dirent qu’ils n’accompagnaient que la signora de Campireali, et que Jules n’était encore que dans Albano, qu’il venait d’occuper avec plusieurs milliers de soldats.

Après quelques instans d’attente, la signora de Campireali parut ; elle marchait avec beaucoup de peine, donnant le bras à son écuyer, qui était en grand costume et l’épée au côté ; mais son habit magnifique était tout souillé de terre.

— Ô ma chère Hélène, je viens te sauver ! s’écria la signora de Campireali.

— Et qui vous dit que je veuille être sauvée ?

La signora de Campireali restait étonnée ; elle regardait sa fille avec de grands yeux ; elle parut fort agitée.

— Eh bien ! ma chère Hélène, dit-elle enfin, la destinée me force à t’avouer une action bien naturelle peut-être, après les malheurs