Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/598

Cette page a été validée par deux contributeurs.
594
REVUE DES DEUX MONDES.

imprudemment aigris, protestèrent contre l’élection ; ils excitèrent une partie du peuple de Rome, et s’appelant le parti du roi, ils envoyèrent une députation à la cour germanique. Le conclave, de son côté, dépêcha au roi, en qualité de légat, Étienne, cardinal-prêtre et moine de Cluny ; mais Étienne ne put même obtenir audience, et, après sept jours d’attente, il fut obligé de rapporter à Rome le refus qu’avaient fait de l’entendre les conseillers d’Henri IV. Hildebrand ne faiblit pas : sur son avis, les cardinaux confirmèrent de nouveau l’élection d’Alexandre II. Alors le clergé lombard, qui ne voulait pas obéir à un prêtre romain, jeta les hauts cris, et à l’instigation du chancelier Guibert, auquel l’impératrice avait confié l’administration du royaume d’Italie, les évêques de Plaisance et de Verceil élurent pape Cadaloüs, évêque de Parme. Le nouvel élu, prenant le nom d’Honorius II, voulut emporter le pontificat par la vivacité de sa marche et de ses résolutions. Il parut sous les murs de Rome combattit avec avantage l’armée d’Alexandre II, et déjà se croyait sûr de la victoire, quand Godefroy, duc de Toscane, arrivant à l’improviste, culbuta dans le Tibre ses soldats, le contraignit à la fuite, et maintint au pape choisi par le conclave la possession du Vatican. Malgré cette défaite, Cadaloüs put encore troubler l’Italie pendant quelques années ; il pénétra même un instant dans Rome, et, chassé par le peuple, dut s’estimer heureux de pouvoir s’enfermer dans une tour d’où il s’évada après un siége de deux ans. Enfin il se retira en Toscane et reprit l’administration de son diocèse ; mais il voulut garder jusqu’à sa mort les insignes de la papauté.

À la cour du jeune Henri IV, les seigneurs s’étaient révoltés contre l’autorité de la régente, qui avait le tort, à leurs yeux, de se conduire en tout par les conseils de l’évêque d’Augsbourg. Ils se plaignaient, dans leurs conciliabules, du joug de l’impératrice ; ils l’accusaient d’un commerce criminel avec son ministre favori. La vertu d’une femme, disaient-ils, est plus fugitive que l’eau et le vent. Aujourd’hui elle affirme, demain elle nie ; tantôt elle hait, tantôt elle aime. Ils résolurent d’enlever à Agnès son fils : ils réussirent à l’emmener à Cologne, dont l’archevêque était un des principaux adversaires de l’impératrice. Agnès, que ces grands outrageaient comme femme et comme mère, eut le cœur brisé ; on la vit quitter l’Allemagne pour répandre à Rome, sur le tombeau des apôtres, ses douleurs et l’aveu de ses péchés. Pendant ce temps, les passions du jeune Henri commençaient à se donner carrière. Les seigneurs qui l’entouraient n’avaient d’autres soins que de lui compo-