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spécialement chargé des intérêts de la Hollande, avaient cru pouvoir proposer.

Pour soutenir les prétentions de la Belgique à l’intégrité territoriale, on invoque les préliminaires du mois de juin 1831, qui déterminèrent l’acceptation de la couronne par le prince Léopold. Il me semble que c’est une étrange manière de raisonner ; les préliminaires du mois de juin, ou les dix-huit articles, n’ont jamais constitué un traité formel. Ce sont des propositions acceptées par l’une des deux parties, rejetées par l’autre, que les évènemens n’ont pas tardé à rendre nulles et sans valeur. Ce n’est pas en vertu des dix-huit articles que l’indépendance de la Belgique est garantie et reconnue par l’Europe ; c’est en vertu d’un traité postérieur ; et la Belgique n’a pas plus le droit de les invoquer aujourd’hui que la Hollande n’aurait celui de revenir aux bases fondamentales qui avaient obtenu son assentiment au début des négociations, et contre lesquelles avait protesté le congrès belge. Je n’admets pas d’ailleurs que les dix-huit articles assurassent à la Belgique la conservation du Luxembourg et du Limbourg, comme le prétendent ceux-là même qui, en 1831, désapprouvaient et repoussaient ces préliminaires, parce qu’ils les trouvaient insuffisans. Ils réservaient seulement la question du Luxembourg, qui devait faire l’objet d’une négociation nouvelle et d’une transaction de gré à gré entre toutes les parties intéressées et avec tous les ayant-droit. Les parties intéressées étaient au nombre de quatre, le roi grand-duc, la branche allemande de Nassau, la confédération germanique et le royaume de Belgique ; le nombre des ayant-droit se réduisait aux trois premiers. Or, il est plus que probable que la base de la transaction aurait été un partage du grand-duché. Quant au Limbourg, puisque la Hollande devait conserver tout ce qui lui appartenait en 1790, elle aurait conservé Venloo, Stephenswert, Maëstricht, Dahlem, et Fanquemont, sur la rive droite de la Meuse. Elle avait encore des droits contestés sur plusieurs dépendances de Maëstricht, et sur quelques autres enclavées dans le Brabant. Des publicistes belges se flattaient alors de pouvoir rester en possession de tout le Limbourg, au moyen d’un échange entre ces territoires et les enclaves des anciens Pays-Bas autrichiens dans les Provinces-Unies. Mais je crois qu’ils s’exagéraient l’importance de ces dernières, et quand cette idée se produisit à Bruxelles dans la discussion sur les préliminaires du mois de juin, les orateurs de l’opposition déclarèrent qu’ils ne regardaient pas l’espoir du gouvernement comme fondé. Pour moi, je suis convaincu, d’après une étude sérieuse de la question, que la Belgique ne pouvait pas, du chef des anciens Pays-Bas autrichiens, offrir à la Hollande l’équivalent de ce que réclamait celle-ci du chef des Provinces-Unies, sur la rive droite de la Meuse, sans porter atteinte, de côté ou d’autre, à l’intégrité de quelqu’une de ces provinces. Si ma mémoire ne me trompe pas, M. Bresson, alors commissaire de la conférence de Londres, avait réduit de bonne heure à leur juste valeur certaines prétentions fort exagérées du congrès belge en ce genre, qui avaient leur source dans une interprétation forcée du principe du statu quo de 1790.