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REVUE. — CHRONIQUE.

de Vienne (articles 108-117) le lui interdisait formellement. Mais, en dépit du principe libéral et juste posé dans cet acte sur la libre navigation des fleuves et rivières navigables, il était aussi important que difficile d’établir quelques règles pour la sécurité du commerce d’Anvers, règles bien précises, que le gouvernement hollandais, maître des bouches de l’Escaut, ne pût éluder. Il fallait fixer les droits de navigation, le pilotage et le balisage du fleuve, et, par-dessus tout, organiser un système de surveillance comme pour la conservation des passes de l’Escaut qu’on ne pouvait abandonner aux soins problématiques de la Hollande. Mais, pour cela, il fallait entamer sa souveraineté exclusive sur le cours de l’Escaut, en aval d’Anvers. Eh bien ! c’est ce que fit l’article 9 du traité du 15 novembre 1831, et, jusqu’aux derniers temps, cet article 9 fut un de ceux contre lesquels le cabinet de La Haye protestait le plus énergiquement. Aujourd’hui cependant qu’arrive-t-il ? Dans le traité modifié, auquel la Hollande a donné son adhésion, on retrouve cet article 9, mais largement développé et expliqué à l’avantage de la Belgique. La simple comparaison des deux textes suffit pour s’en convaincre. Il était impossible de mieux combiner les garanties de liberté et de sécurité que le port d’Anvers réclamait pour son commerce. Mais, dit-on, le nouvel article 9 soumet à un péage d’un florin et demi par tonneau la navigation de l’Escaut jusqu’à Anvers, tandis que celui du traité de 1831 ne contenait aucune disposition de ce genre. C’est une erreur. Le traité de 1831 réservait la question de péage, et, en attendant que le droit fût fixé, il soumettait la Belgique à l’application provisoire du tarif de Mayence. Or, le tarif de Mayence est beaucoup plus élevé que le chiffre actuel qui est définitif. Je sais que la Belgique avait nié que cette application résultât du traité ; mais la conférence soutenait le contraire ; et ce qui semble prouver qu’elle avait raison, c’est qu’en 1833 les plénipotentiaires belges admirent un droit de péage, consentant un chiffre d’un florin, tandis que les plénipotentiaires néerlandais insistaient sur celui de 1 florin 75 cents, et que la conférence opinait pour 1 florin 1/2. Enfin, au lieu d’une somme annuelle de 8,400,000 fl., le trésor belge est constitué débiteur envers la Hollande de 5,000,000 de florins seulement, à partir du 1er  janvier 1839. L’extinction des arrérages est donc complète. La somme que la Belgique y gagne s’élève à beaucoup plus que ne lui a coûté sa belle ligne de chemins de fer.

Tel est le traité que la Belgique est mise en demeure d’accepter. Telles sont les modifications que la France et l’Angleterre ont obtenues pour elle dans les dernières négociations de Londres. Le rapport de M. de Theux est formel sur la persévérance et l’utilité des efforts que ces deux puissances, la première surtout, n’ont cessé de faire pour arriver à ce but. Je ne crains pas d’affirmer qu’en reprenant les négociations au mois de mars 1838, ni la Hollande, ni l’Angleterre, ni les trois puissances du Nord, ni la Belgique elle-même, ne s’attendaient à un pareil résultat. Il est assurément bien loin de ce que le plénipotentiaire néerlandais et le ministre d’Autriche, M. de Senft-Pilsach,