Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/574

Cette page a été validée par deux contributeurs.
570
REVUE DES DEUX MONDES.

Ces objections étaient fort justes ; M. de Theux le reconnaît lui-même en ne les combattant pas, et l’attitude du plénipotentiaire belge à Londres, l’habile et sage M. Van de Weyer, confirme tout ce que j’ai avancé là dessus dans quelques-unes de mes précédentes lettres. Ne dit-il pas, dans une dépêche du 4 août 1838, qu’il ne conserve que peu ou point d’espoir à l’égard du maintien de l’intégrité territoriale ? Plus tard, beaucoup plus tard, le mouvement d’opinion qui se manifestait en Belgique, mouvement qu’on n’aurait pas dû encourager, l’obligea, il est vrai, à tenir un langage plus explicite ; mais il ne croyait pas lui-même à la bonté des raisons qu’il alléguait, toutes puisées dans un ordre de considérations étrangères au droit incontestable sur lequel s’appuyait la conférence.

Vous voyez, monsieur, que le gouvernement français n’a jamais dissimulé à la Belgique, depuis la reprise des négociations de Londres, son opinion sur l’irrévocabilité des clauses territoriales dans le traité des 24 articles. Il a bien fait ; car s’il avait laissé le moindre doute sur cette question dans les esprits, il se serait enlevé tout moyen de servir, et de servir essentiellement, sur d’autres points, les intérêts de la Belgique.

Quant à une politique d’ajournement, puisque c’est le mot dont on se sert, je connais bien quelque chose qui y ressemble et qu’on pourrait appeler de ce nom ; mais ce n’est pas la conduite tenue par le ministère du 15 avril à l’égard de la question belge. Ce serait la convention du 21 mai 1833 ; et, prenez-y garde, je ne me permets cependant pas de l’incriminer, ni d’en faire un grave reproche au ministère de ce temps-là. Je veux dire seulement que, par la convention et le statu quo de 1833, on avait reculé la difficulté au lieu de la vaincre, et rejeté sur l’avenir les embarras du présent. En effet, d’où proviennent les embarras actuels ? Uniquement de ce fait, dont je suis loin de méconnaître la gravité, que les populations du Luxembourg et du Limbourg se sont habituées à vivre sous la loi belge, se sont attachées aux libres institutions du nouvel état, ont joui de tous leurs avantages, ont identifié leur existence et leurs intérêts à l’existence et aux intérêts de la Belgique. Il en résulte que le roi Léopold, le gouvernement, les chambres, le ministère belge, éprouvent la plus grande peine à consommer le sacrifice. En 1831, en 1832, en 1833, ce sacrifice eût été bien moins douloureux. Alors on y était résigné. Les populations s’y attendaient ; les chambres l’avaient voté ; le ministère était tout prêt à remplir ses engagemens. Mais qu’a fait la convention de 1833 ? Elle a maintenu le traité, elle a confirmé les obligations existantes, et en même temps elle a multiplié et aggravé les difficultés qui rendent aujourd’hui si pénible l’accomplissement de ces obligations. Je sais dans quel but on établissait en 1833 un statu quo très onéreux pour la Hollande, très favorable pour la Belgique. Je sais qu’on agissait alors ainsi de très bonne foi pour déterminer, pour hâter cette adhésion du cabinet de La Haye, si difficile à obtenir, aux arrangemens adoptés par les cinq puissances. Mais il n’en est pas moins vrai que le mal était ici à côté du bien, le danger à côté