Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/563

Cette page a été validée par deux contributeurs.
559
REVUE. — CHRONIQUE.

garantie de la France ? M. Thiers ne sait-il pas que la Belgique a demandé à signer ce traité et à le rendre obligatoire, sans la participation du roi des Pays-Bas, qui se refusait à traiter ? M. Thiers ignore-t-il que la Belgique a traité avec les cinq puissances, sous leur garantie, et que le traité des 24 articles est l’acte même qui établit sa nationalité en Europe ? On a donc pu modifier les 18 articles, tandis que l’on ne pouvait modifier les 24 articles que sous le rapport financier, car un des articles de ce traité réservait expressément la révision de ce qui était relatif à la dette des deux états. C’est pour ce motif, qu’eu égard aux dispendieux déploiemens de forces militaires que le roi de Hollande a rendus nécessaires par son refus de signer le traité pendant huit ans, la conférence vient de libérer la Belgique d’une somme de 68 millions de florins (125 millions de francs), et ce résultat est dû aux efforts de M. Molé. Il est vrai que M. Molé ne fera pas avancer une armée et ne fera pas la guerre à l’Europe pour détruire un traité que la Belgique a invoqué depuis huit ans, comme la charte de ses droits et le titre légal de son indépendance. Si c’est ainsi que M. Thiers entend la dignité de la France, il diffère, en effet, essentiellement du cabinet du 15 avril, qui croirait manquer à tous ses engagemens et commettre un acte d’agression et de violation des droits, en donnant par les armes, à la Belgique, un territoire qui est devenu, depuis le traité de Vienne, un état dépendant du roi de Hollande, en sa qualité de duc de Luxembourg. Libre maintenant à M. Thiers de s’écrier que le Limbourg et le Luxembourg se sont insurgés en même temps que la Belgique, et doivent partager son sort. M. Thiers sait bien par lui-même qu’il ne faut pas donner les mains à toutes les révolutions, et la Belgique a partagé ce principe ; car, en signant le traité des 24 articles à Londres, elle n’a pas revendiqué ces deux territoires : elle les a abandonnés à leur propre sort.

M. Thiers vient ensuite à l’Espagne, et ses argumens ne sont pas meilleurs.

« Il y avait un traité aussi en Espagne, dit-il, et celui-là a-t-on songé à l’exécuter ? Puisqu’on était si jaloux de demeurer fidèle aux traités, et on avait raison de l’être ; puisqu’on se montrait si pressé d’exécuter la convention d’Ancône, d’exécuter le traité des 24 articles, pourquoi ne pas montrer le même empressement pour le traité de la quadruple alliance ? Pourquoi se défendre de l’exécuter au point de refuser à la malheureuse Espagne le secours si facile, si peu compromettant de nos vaisseaux ?

« Il y avait doute, dit-on, sur la valeur du traité de la quadruple alliance ; mais il y avait doute aussi sur la valeur de la convention d’Ancône ; il y avait doute sur le traité des 24 articles. Ne craint-on pas que chacun fasse cette réflexion si simple : c’est que sur les trois points on résout le doute dans le même sens, et contre nos propres intérêts ? Ainsi, à Ancône on exécute les traités, mais contre la cause de la révolution ; en Espagne, au contraire, on refuse de les exécuter, mais ici encore contre la cause de la révolution, toujours, dans tous les cas, on exécute ou l’on n’exécute pas contre la même cause, celle de la révolution. »

Eh bien ! M. Thiers apprécie encore mal le traité de la quadruple-alliance.