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REVUE. — CHRONIQUE.

nous étions refusés à croire que M. Thiers rédigeât lui-même le Constitutionnel, qui s’était pourtant vanté de sa coopération ; mais voilà que M. Thiers tient exactement le langage du Constitutionnel et des journaux qui reprochent au ministère actuel des faits qui lui sont tout-à-fait étrangers. Hier même, le parti se disant parlementaire résumait ces accusations par les cinq chefs suivans : Point de conversion de rente, point d’économie dans les dépenses. — Des lois de quitus. — Des lois de dotation et d’apanage. Des lois de millions pour les palais royaux. À ces cinq chefs, on a parfaitement répondu, en faisant remarquer : 1o  que M. Thiers, ministre du 11 octobre, a combattu la conversion de la rente, et s’est engagé à la faire au 22 février ; mais il n’y a pas même songé, et il a proposé l’intervention en Espagne, ce qui rendait la conversion impossible ; 2o  que M. Thiers étant ministre au 11 octobre, a demandé cent millions de travaux, et au 22 février, des supplémens de crédit qui lui ont valu un outrageant discours de M. Duvergier ; 3o  que la loi de quitus a été présentée par M. Duchâtel ; 4o  que c’est sous le ministère de MM. Guizot, Duchâtel et Persil, que les lois de dotations et d’apanage ont été présentées, et que c’est le cabinet du 15 avril qui les a retirées ; 5o  enfin, que les embellissemens de Versailles et de Fontainebleau n’ont rien coûté au pays, tandis que, sous le ministère de M. Thiers et de M. Guizot, il a été présenté une loi qui proposait de donner dix-huit millions au roi, pour l’achèvement du Louvre. Or, le parti parlementaire actuel se compose de tous les hommes qui ont pris part aux actes que nous venons de citer.

« On avait bien fait, dans les premiers momens, ajoute M. Thiers, de résister à cette irritation, qui, en poursuivant ce qu’on appelait les carlistes et le parti-prêtre, pouvait amener un bouleversement administratif ou une rupture avec l’antique religion du pays ; mais fallait-il si tôt passer à ces prévenances maladroites envers des hommes qui dédaignent le gouvernement actuel, à ces encouragemens pour le clergé, qui sont la faiblesse des gouvernemens nouveaux, trop pressés de s’éloigner de leur origine ? »

Nous cherchons quelque exemple de ces prévenances maladroites dont parle M. Thiers, et nous n’en trouvons pas ; mais, en revanche, nous voyons que M. Thiers et ses amis, que M. Guizot et ses amis ont signé l’engagement de porter partout les légitimistes dans les élections et de voter pour eux. En fait d’avances, nous n’en voyons pas de plus décisives que celles-là, et si M. Thiers éprouve de la répugnance à favoriser le parti légitimiste, nous ne comprenons pas sa conduite, qui tend à maintenir et à augmenter ce parti dans la chambre, par conséquent à lui donner plus d’influence dans le gouvernement !

Ce grief arrête toutefois sérieusement M. Thiers. Il lui plaît de voir une invasion d’émigrés dans le gouvernement, comme au temps de Napoléon, qui manqua, dit-il, d’habileté et de grandeur quand il se hâta d’attirer ces mêmes émigrés dans sa cour et d’accumuler autour de son trône toutes les pompes de l’église. Où sont donc, s’il vous plaît, ces émigrés qui assiégent les Tuileries ? Nous ne voyons autour du trône que des vieux soldats de Na-