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l’école symbolique allemande. Du reste, son origine russe donne à ce livre quelque intérêt, et il n’est pas sans curiosité de voir la Russie, qui a peine à vivre encore de sa propre intelligence, subir ainsi confusément dans les sciences, comme dans les lettres, l’influence des peuples plus avancés, et s’assimiler, avec des modifications toutes particulières et des formes quelque peu tartares, les littératures étrangères.


Lettres inédites de Marie Stuart. 1558-1587[1]. — Trente-cinq lettres inédites de Marie Stuart, son testament et diverses dépêches diplomatiques composent ce volume. L’histoire s’est émue souvent, et avec une curiosité toujours vive, au souvenir de cette triste et résignée sœur d’Élisabeth, qui eut ses heures de faiblesse peut-être, mais que tant de douleurs et de poésie ne donnent pas le droit d’accuser. L’histoire cependant n’a dessiné que d’une manière imparfaite et sous un jour souvent faux cette mélancolique figure. Le drame, à son tour, a demandé des inspirations à la scène sanglante du château de Fothringhay, et le drame, original ou pâle copie, me semble avoir échoué comme l’histoire. Puis sont venus les collecteurs de textes, les publicateurs exacts qui s’inquiètent peu de critique ou d’inspiration, mais dont les travaux faciles sauvent parfois de l’oubli des faits d’un intérêt réel. La vie de Marie Stuart a été, en France, à diverses époques, l’objet de recherches toutes particulières. C’est qu’en effet cette infortunée reine nous appartient par ses affections, par ses adieux que tout le monde sait, par des sympathies toujours présentes pendant une captivité de dix-huit ans.

La correspondance publiée par M. le prince de Labanoff est, en quelque sorte, une longue élégie : souffrances du corps et de l’ame, tortures froidement calculées, violences religieuses, affections profondément senties pour les serviteurs dévoués, tout rappelle à chaque ligne, dans ces lettres, de royales infortunes plus voisines de nous et plus profondes peut-être. Marie supporte, avec une dignité calme, ces tourmens dont elle ne prévoit pas le terme. Élisabeth est encore pour elle sa bonne sœur, mais elle a peine à réprimer des pressentimens sinistres. « La reine, dit-elle, ne trouvera jamais tant de sûreté dans les rigueurs que je lui en offre par la seule bonne foi. Il m’est grief à supporter que je ne puis gagner qu’elle prenne quelqu’assurance en moi. » Les rigueurs, en effet, étaient souvent poussées jusqu’à la barbarie. Marie avait à subir à la fois les haines politiques et les haines religieuses. Dans une lettre adressée à Castelnau de Mauvissière, elle se plaint avec amertume de ce que Paulet, son gardien, lui refuse le droit d’envoyer quelques aumônes aux pauvres. Elle demande, comme une insigne faveur, le droit de faire remettre ces aumônes par des soldats, car elle a besoin, dit-elle, au milieu de ses ennuis, de cette consolation chrétienne ; et c’est toujours ainsi, par des œuvres pieuses, qu’elle s’efforce d’adoucir tout ce qu’il y a de tristesse et d’inquiétude dans son ame. Le malheur développe en elle une singulière tendresse de cœur, et une puissance de résignation qui

  1. vol. in-8o, chez Didot, 1839.