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du livre qu’il avait consacré aux historiens latins, il dit, en parlant de l’histoire : « Vous ne devez pas ignorer que, dans la littérature latine, ce seul genre non-seulement ne s’élève pas au niveau de la Grèce, mais que la mort de Cicéron l’a laissé encore tout-à-fait dans l’enfance et à peine ébauché… Aussi ne sais-je, en vérité, laquelle des deux, de la République ou de l’Histoire déplore le plus son trépas[1]. »

Mais, nous demandera M. Granier de Cassagnac, cette continuation, que vous croyez annoncée par le mot orsus, a-t-elle eu effectivement lieu ? Très certainement, lui répondrons-nous, et il vous était aisé de vous en assurer. Vous n’aviez, pour cela, qu’à lire un peu plus attentivement les quelques pages de Suétone sur les grammairiens et les rhéteurs, à faire ensuite une excursion dans les Vies des Césars, du même auteur, et puis, enfin, à consulter un polygraphe ordinairement voisin de Suétone et de Macrobe, je veux dire Aulu-Gelle. Du reste, comme nous attachons du prix à vous convaincre, nous allons passer devant vous quelques noms en revue.

À Lucius Octacilius succèdent Cornélius Épicadius, affranchi de Sylla, qui complète le livre que le dictateur avait commencé sur les évènenens de sa vie, et qu’il avait laissé inachevé[2] ; Pompilius Andronicus, que la nature n’avait point fait maître d’école, et qui, ne pouvant vivre à Rome de ce métier, se retira à Cumes, où il composa plusieurs ouvrages, notamment un ouvrage historique que Suétone appelle præcipuum[3] ; Tiron, le célèbre affranchi de Cicéron, qui écrivit la vie de son maître en plusieurs livres[4] ; Atteius, le même affranchi dont il a été déjà parlé, qui, intimement lié avec Salluste et Asinius Pollion, obligea ses deux illustres amis, dont le dessein était d’écrire l’histoire, en fournissant à l’un un Abrégé de toute l’histoire romaine, où il pourrait prendre ce qui lui conviendrait, et en donnant à l’autre des préceptes de style ; Julius Hyginus, affranchi d’Auguste, qui, entre autres ouvrages historiques, en composa un intitulé : De la Vie et des actions des hommes illustres[5] ; Julius Marathus, affranchi aussi d’Auguste, qui écrivit la vie de son noble patron ; Verrius Flaccus, autre affranchi, qui, après avoir enseigné la grammaire avec éclat, s’occupa d’histoire, disposa dans un ordre chronologique des Fastes, soit civils, soit religieux ; composa un ouvrage sur les Choses dignes de mémoire, et mérita, par une vie si bien remplie, l’insigne honneur d’une statue dans le forum de Préneste.

En voilà suffisamment, je pense ; le lecteur sait à quoi s’en tenir. Mais peut être ne sera-t-il pas fâché de voir à présent par quel ingénieux raisonnement M. Granier de Cassagnac motive l’exclusion des affranchis du domaine de

  1. Corn. Nep., Fragm., tom. II, pag. 381, éd. Van Stav. Stutg. 1820.
  2. Suet., De Illustr. gramm., XII.
  3. Ce livre devait être un Abrégé succint d’annales embrassant une durée plus ou moins considérable. — Præcipuum illud opusculum annalium elenchorum. (Ibid., VIII.)
  4. Asconius Pedianus cite le IVe livre de cette histoire. (Ad Cic. pro Mil.)
  5. A. Gell., I, 14. — Cf. Ascon. Pedian. ad Cic. Pison.