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CRITIQUE HISTORIQUE.

son, la titulature, enfin tout le cérémonial héraldique de la noblesse grecque et romaine ? »

Qu’ajouter à cela pour décréditer les assertions aventureuses de l’auteur ? Nous ne multiplierons pas davantage les citations. Il est temps de voir si M. Granier de Cassagnac réussira mieux à nous montrer des villes nobles dans les villes ouvertes, et des villes bourgeoises, ou des communes dans des villes murées. « Il y avait, nous assure-t-il, parmi les peuples anciens, deux sortes de villes, les unes qu’on peut appeler des villes nobles, et qui étaient ouvertes ; les autres qu’on peut appeler des villes bourgeoises, et qui étaient murées. Les villes nobles se trouvent parmi les peuples, chez lesquels les affranchissemens n’avaient pas produit une grande masse d’émancipés. En général, les peuples chez lesquels les émancipations ont été tardives, étaient méditerranéens et agricoles, tandis que les insulaires et les habitans des côtes sont arrivés plus vite à la vie communale et démocratique. »

Comme M. Granier de Cassagnac paraît avoir choisi plus particulièrement la Grèce, pour faire ses expériences architecturales, nous avons parcouru ce pays, explorant surtout avec attention les provinces les plus méditerranéennes et les plus agricoles, telles que l’Arcadie et l’Argolide centrale ; et nous n’avons découvert que des villes fermées, Mantinée, Mycènes, Tirynthe, etc., dont les murs remontaient même à une telle antiquité, qu’on les supposait l’ouvrage des cyclopes. Nous avons poussé plus loin nos recherches, et il est resté évident pour nous qu’il n’y avait réellement qu’une seule ville qui eût été long-temps dépourvue de murailles. Les anciens nous disent, en effet, que Sparte subsista pendant plusieurs siècles, sans être entourée de murs. Mais à quelle cause tenait ce caractère tout exceptionnel parmi les villes de la Grèce ? Lycurgue, comme on sait, voulut faire des Lacédémoniens un peuple de soldats ; et une partie de ses institutions tendit à ce but. Or, une des lois par lesquelles il chercha à entretenir l’esprit militaire, prescrivait de laisser Sparte tout ouverte, afin que chaque citoyen fût toujours prêt à lui faire un rempart de son corps. C’était là le but reconnu de la loi ; du moins les Spartiates ne l’entendirent jamais autrement. On demandait à Agésilas pourquoi Sparte était sans murs ; montrant les citoyens armés, « voilà, dit-il, les remparts des Lacédémoniens. » M. Granier de Cassagnac, lui, ne voit dans l’absence de murs qu’une preuve de noblesse pour la ville, passant d’ailleurs sous silence et la loi de Lycurgue, et la manière dont les Spartiates l’avaient interprétée. Mais si nous lui faisons grace de cette difficulté, c’est parce que nous en avons d’autres un peu plus sérieuses à lui opposer. L’histoire nous apprend que Lycurgue fit subir au gouvernement de Sparte une réforme radicale. Ainsi, nous dit-elle, les richesses se trouvaient concentrées dans les mains d’un petit nombre, tandis que, au-dessous d’eux, régnait la plus affreuse misère ; Lycurgue égalisa les fortunes, en distribuant aux citoyens par portions égales, le territoire de la Laconie et le district de Sparte. L’industrie, le négoce et les métiers, parurent au législateur peu dignes d’un homme libre, et il les relégua dans les mains des esclaves. Il y avait donc à