point de départ d’un âge nouveau, il est permis de rattacher au grand évènement de la chute byzantine le commencement de cette révolution dans les mœurs et dans les idées, qui va éclater avec violence au XVIe siècle et changer la face politique et religieuse de l’Europe. C’est au tableau rapide de ce siècle sans exemple, qui a eu une si grande influence sur les destinées postérieures de notre société moderne, et où les grands noms et les grandes actions se sont accumulés avec une si effrayante vitesse, que sont consacrés les deux volumes publiés par M. Filon, maître de conférences à l’École normale. C’est un bien petit espace, sans doute, pour un siècle qui a conquis l’Amérique, vu régner Charles VIII et Louis XII, assisté aux débats militaires de Charles-Quint et de François Ier, accompli la réforme religieuse avec Luther, Zvingle, Calvin et Knox, applaudi ou pleuré au despotisme de Henri VIII, au triomphe d’Élisabeth sur Marie Stuart, à la Ligue et à la Saint-Barthélemi, aux exploits si différens de Gustave Wasa, de Barberousse et de Henri IV ; pour un siècle enfin qui a vu l’imprimerie se développer, les idiomes se perfectionner, et les lettres, aidées des sciences et des arts, renaître avec un éclat puissant et nouveau. Mais aussi, une histoire générale de l’Europe au XVIe siècle manquait dans l’enseignement et dans la science ; d’excellentes monographies, des travaux spéciaux de grande valeur, ne pouvaient dispenser d’un tableau animé et vif où les évènemens fussent montrés, non plus dans leurs rapports particuliers et isolés, mais dans le développement complet de la société d’alors, et où on aperçût enfin l’enchaînement des faits et l’influence réciproque des hommes et des peuples. Sans prétendre à une synthèse ambitieuse, le livre de M. Filon donne tout ce qu’il promet et comble une lacune historique.
L’auteur, tout en resserrant les évènemens sous une forme toujours rapide, n’est parvenu qu’avec peine à les comprendre tous dans l’espace de deux volumes. Toute analyse est donc impossible ici, et notre critique ne peut se borner qu’à des remarques générales. Ce que nous reprocherons surtout à ce livre, c’est le synchronisme que M. Filon s’est constamment efforcé d’y conserver. L’unité s’y brise à tout instant, et l’attention se fatigue en passant tour à tour, dans la même page, à l’histoire, si vite interrompue, des populations mobiles et variées du XVIe siècle. La découverte de l’Amérique, le grand homme qui a deviné ce monde et l’a trouvé, les aventureuses expéditions des capitaines qui l’ont conquis, sont habilement appréciés. Colomb, Fernand Cortez et Pizarre gardent chacun leur physionomie propre ; mais il y a moins de précision et de netteté dans les pages consacrées à la réforme. L’auteur, en cette partie, semble hésiter dans ses déductions historiques, comme, au XVIe siècle même, plus d’un esprit distingué hésitait entre le respectueux attachement aux traditions, aux croyances du passé, et les hardiesses des opinions nouvelles. Du reste, des notes curieusement extraites, un tableau rapide, mais complet, de l’état des lettres et des arts au XVIe siècle, l’indication exacte des sources originales, recommandent au point de vue de l’érudition ce consciencieux travail. Le style en est élégant, et l’auteur a su donner à sa phrase la lucidité que sa pensée garde toujours dans les aperçus, que la forme concise de son livre a, par malheur, rendus trop rares.