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REVUE. — CHRONIQUE.

l’état, ou risquerait simplement de former une administration sans consistance et qui aurait à peine quelques jours de durée.

Dans l’un ou l’autre cas, ce serait un fait très grave que de s’adresser à la minorité des chambres, quand les vues avouées de ces minorités sont opposées à toutes les vues qui ont dirigé le système politique de la France jusqu’à ce jour, quand un tel choix peut entraîner la guerre, et jeter le pays dans une série d’entreprises qu’il vient de blâmer dans l’adresse de ses représentans. Nous savons la réponse de la coalition. À peine sera-t-elle aux affaires qu’elle aura la majorité. M. Thiers l’a dit. La majorité fait partie du bagage ministériel. Il y a cent voix et plus dans les centres qu’un ministre trouve toujours à sa disposition, comme les employés de son ministère. Ceux qui ont voté pour le maintien des traités, quand M. Molé était ministre, les fouleront aux pieds dès que M. Thiers aura pris sa place. Ceux qui ne veulent pas de l’intervention, voteront aussitôt des hommes et de l’argent pour aller en Espagne. Si c’est M. Guizot qui prend les affaires, ces hommes-là seront successivement de toutes les opinions que M. Guizot a professées depuis trois mois, pour ou contre les idées révolutionnaires ; ils iront à droite, à gauche, en arrière, en avant, selon le commandement du chef qui se fera reconnaître à la tête des rangs. Et pour la presse qui défend l’ordre intérieur et extérieur, ne lui a-t-on pas déjà dit qu’elle sera aussi aux nouveaux ministres, quels qu’ils soient, quinze jours après leur entrée aux affaires ? Quinze jours, soit ; mais il se pourrait que les nouveaux ministres ne durassent pas autant que le délai de fidélité qu’on accorde à la presse ; et, en attendant, nous voyons la majorité de la chambre fidèle, non pas aux ministres qui se retirent, mais aux principes qu’ils représentaient, et la presse s’unir à cette belle et noble majorité. Il faut donc la gagner, et les chefs de la coalition ne pourront y réussir qu’en adoptant ses principes, écrits dans son adresse, et que la coalition a si violemment combattus.

Que M. Thiers et M. Guizot veuillent donc nous dire de quelle nature sont leurs engagemens avec M. Odilon Barrot et l’extrême gauche. On a avancé qu’ils avaient promis l’entrée de la chambre des pairs à un certain nombre de notabilités de la gauche ; on a parlé de concessions au sujet de la réforme électorale, et de quelques autres conditions que la majorité sera désireuse de connaître avant de consentir à faire partie de leur bagage. Il sera également bon de savoir si les hommes de la gauche sont pour M. Guizot le parti du progrès ou le parti rétrograde, deux épithètes qu’il leur a données à de courtes distances, et entre lesquelles la politique et la philosophie mettent autant de différence que la grammaire. On nous dira aussi ce qu’on pense du traité des 24 articles, et si le Constitutionnel qui s’est déclaré l’organe et même l’œuvre de M. Thiers, exprime ses opinions quand il demande que la France soutienne militairement la Belgique dans ses prétentions territoriales. Il y aura sans doute également quelques paroles à dire à la majorité au sujet de l’Espagne ; après quoi, si l’on marche d’accord avec la majorité de la chambre, rien ne fera plus obstacle à un ministère sorti de la coalition. Si