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une puissance réelle et qu’elle entend les respecter ? La coalition ne s’est préoccupée que de mesquines intrigues. Elle n’a eu d’autre souci que de s’informer si la démission de M. Molé était sans retour, et il a fallu la rassurer en lui disant que M. Molé était bien décidé à ne pas porter la responsabilité des affaires avec une majorité de 13 voix. Nous avons vu les tristes débats que la mission du maréchal Soult a fait naître dans la coalition ; l’effroi dont elle était saisie à la seule pensée que le maréchal Soult pourrait bien accepter d’autres collègues que M. Thiers et M. Guizot, et sa joie quand elle a été en position de déclarer que le maréchal se refusait à former un ministère. Nous concevons jusqu’à un certain point l’inquiétude et la joie des organes et des amis des chefs de la coalition ; mais on se demande avec étonnement ce que M. Thiers a pu faire espérer à l’extrême gauche, et M. Guizot promettre à l’extrême droite, pour exciter à ce point leurs appréhensions.

Aujourd’hui la coalition s’étonne de ce qu’on ne vient pas chercher des ministres au milieu d’elle. Quoi de plus naturel, à son gré, que de venir offrir le pouvoir à M. Guizot et à M. Duvergier de Hauranne, qui déclarent que le roi ne règne pas constitutionnellement, tandis que la majorité de la chambre élective et celle de la chambre des pairs sont d’un avis contraire ? Quoi de plus simple que de mettre la direction des affaires dans les mains de M. Thiers, qui était opposé à l’évacuation d’Ancône en dépit des traités, au nom duquel on écrit chaque jour, dans le Constitutionnel, qu’il faut foudroyer à coups de canon le traité des 24 articles et la conférence de Londres, qui est pour l’intervention en Espagne, tandis que la chambre, mal éclairée sans doute sur les intérêts du pays, mais obstinée jusqu’au vote inclusivement, se montre rebelle à tous ces projets ? Mais que faire ? nous dira-t-on. C’est ce que nous demanderons à la coalition elle-même, en lui donnant tous les moyens de répondre à nos questions.

Dans l’état actuel des choses, il y a trois partis à prendre, également difficiles tous les trois. Il faut ou maintenir le ministère du 15 avril, ou prendre un ministère dans la coalition, ou dissoudre la chambre. Il nous paraît impossible que, hors ces trois issues, on puisse en trouver une autre.

Quant au maintien du cabinet du 15 avril, M. le comte Molé, ayant jugé la majorité insuffisante, ne pourrait consentir à garder la direction des affaires qu’en se voyant assuré d’une majorité de trente à quarante voix. Nous ne croyons pas, d’ailleurs, que la coalition insiste beaucoup sur ce moyen de sortir d’embarras. Elle serait, sans doute, moins opposée au projet de charger un ou deux de ses chefs du soin de former un nouveau ministère, en leur laissant toute la latitude qu’ils demandent au nom des principes de conservation et de sécurité publique qu’ils ont si lumineusement exposés dans la discussion de l’adresse ! Nous serons, sans doute, mal reçus à lui répondre que prendre un ministère dans le sein de la minorité des deux chambres, c’est commettre un acte peu constitutionnel, et que la prérogative royale, en s’exerçant de cette manière, s’exposerait à créer de terribles résistances dans