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bien tentés de demander si c’est du ministère ou de la coalition qu’on pourrait parler ainsi. Qu’on se rappelle ce qui s’est passé depuis dix-huit mois ; qu’on se reporte au point de départ des ministres qui viennent de se démettre du pouvoir, et qu’on se demande ensuite s’ils avaient à se reprocher, en se retirant, d’avoir été funestes à la France ! Nous ne nous ferons pas aujourd’hui les historiens de cette administration ; mais rien qu’en énumérant ses actes, on peut réfuter toutes les accusations de ses adversaires. Qu’est-il arrivé depuis le 15 avril, qui ait été funeste à la France ? Le cabinet du 15 avril avait hérité à la fois des embarras de la situation générale et des embarras que lui avaient légués ses prédécesseurs. Extérieurement, il avait devant lui la convention d’Ancône dont l’exécution fidèle pouvait amener l’évacuation qui a eu lieu, la Suisse où le cabinet précédent avait semé des difficultés de plus d’un genre, la Belgique, et l’Afrique où régnaient le plus affreux désordre et le découragement dû à un désastre.

La situation de nos possessions d’Afrique est aujourd’hui florissante, le désastre de Constantine a été glorieusement réparé ; le foyer d’intrigues qui se formait en Suisse a été dispersé, et l’irritation qu’on y avait excitée contre la France se dissipe de jour en jour ; et, pour Ancône, le gouvernement a exécuté les traités qui lui commandaient d’évacuer les états du pape en même temps que les Autrichiens. Il l’a fait au moment même d’une session, car il n’a pas pensé qu’un acte de loyauté pourrait être blâmé par une chambre française, et il ne s’est pas laissé séduire par les petits calculs que d’autres pouvaient faire. Il en a été ainsi du traité des 24 articles. Le ministère n’a pas cru qu’on pouvait déchirer un traité signé par la France. Il a fait à Londres de nobles efforts en faveur de la Belgique, il a même obtenu pour elle de grands avantages ; mais il a respecté un engagement pris au nom de la France. Au Mexique, il a fait valoir avec énergie les droits de nos nationaux. À Haïti, il a stipulé avec avantage pour d’anciens intérêts blessés. En un mot, le ministère a fait assidument et avec ardeur les affaires de la France. La paix publique, la prospérité dont jouissait le pays il y a un mois, la sécurité des jours du roi, la confiance de l’Europe dans la sagesse de notre politique, un accroissement de recettes tel qu’il n’avait pas encore été atteint depuis 1830, tout atteste qu’il ne s’est pas trompé, et qu’il avait atteint le but qu’il s’était hautement proposé en signant l’amnistie, l’amnistie que blâmait et repoussait M. Guizot. Est-ce là un ministère funeste à la France ?

Le ministère du 15 avril avait pris les affaires dans un état désespérant. L’a-t-on oublié déjà ? L’avenir se présentait sous l’aspect le plus sombre. La vie du roi menacée chaque jour, la polémique des partis poussée jusqu’à l’exaspération, l’Afrique à la veille d’être abandonnée, les mesures les plus violentes rendues presque nécessaires, grâce à la violence des plus exaltés doctrinaires. Le calme, la paix, la sécurité, ont succédé pendant un an et demi, à ces tristes symptômes, et, sans les efforts de la coalition, cet état prospère durerait encore. Est-ce le ministère qui a été funeste au pays ?

L’histoire de la coalition n’est-elle pas également facile à faire ? Nous ne