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REVUE LITTÉRAIRE.

Louise Cerneil ? Les aventures du professeur d’Angoulême n’ont rien de commun avec les aventures de sa fille. Vouloir étreindre dans le faisceau d’un même récit les malheurs du père et les malheurs de la fille, c’est méconnaître une des lois fondamentales de l’invention, l’unité d’intérêt. C’est la vie de Louise que nous désirons connaître, et nous tenons fort peu à suivre les études archéologiques de son père. Qu’il prenne docilement l’attitude que lui commande le peintre qui le paie, ou qu’il lui prête le secours de son érudition, peu nous importe vraiment, et nous donnerions de grand cœur toute cette biographie pour assister à la lutte d’Adolphe et de Louise. Mais, au lieu de cette lutte que nous attendions, que l’auteur nous devait, puisque c’est là, et là seulement, que se trouve le germe du roman, M. Soulié nous a donné les souffrances vulgaires de Louise pendant les jours qu’elle passe près d’un homme qu’elle n’a jamais aimé, à qui elle s’est vendue.

Des personnages tels que Louise Cerneil peuvent très bien ne pas plaire à tout le monde ; aussi faut-il un grand talent, et surtout une rare délicatesse, pour racheter ce qu’il y a de hardi dans une telle donnée. Quand je parle de délicatesse, je ne prétends pas conseiller au romancier d’éluder les parties douloureuses du sujet ; loin de là, je pense qu’il faut accepter franchement tous les élémens du personnage, toutes les plaies de la vie qu’on se propose de peindre. La délicatesse n’exclut pas la franchise. Mais en traitant de tels sujets, il ne faut jamais oublier que le vice pris en lui-même n’est pas une matière poétique. La poésie commence avec la passion et finit avec elle. Mettez la courtisane aux prises avec le rêveur je le veux bien ; mais ne perdez jamais de vue les limites poétiques de la donnée que vous avez choisie. La peinture du vice et de la dégradation, quelque habileté que vous puissiez déployer, n’offrira jamais qu’un intérêt languissant. Ce qu’il faut nous montrer, si vous voulez demeurer fidèle à votre dessein, c’est le duel de la honte et du mépris, c’est la transformation de la femme dégradée, c’est la courtisane purifiée, régénérée par la passion Or, M. Soulié, en nous racontant l’histoire de Louise Cerneil, ne paraît pas avoir compris les conditions inexorables de son sujet. Il s’est complu à tracer des portraits, et il n’a pas songé à grouper ses personnages de façon à composer un tableau. Il a pris la peine de nous expliquer longuement le caractère d’Adolphe Silas, et il n’a tiré aucun parti de ces développemens.

Il y a donc une grande différence entre Diane et Louise ; autant le premier de ces récits est rapide, animé, intéressant, autant le second est languissant et vulgaire. Toutefois, nous sommes forcé d’avouer que l’histoire même de Diane, malgré l’intérêt général qu’elle ne manquera pas d’exciter, n’est qu’une ébauche heureuse. C’est un livre qu’on ne peut quitter qu’après l’avoir achevé ; c’est là sans doute un mérite considérable, mais qui ne saurait classer Diane parmi les œuvres littéraires. Ce récit obtiendra certainement un succès de curiosité ; mais personne n’éprouvera le besoin de le relire. Pourquoi, sinon parce que les plus belles scènes sont indiquées plutôt que faites ? Les incidens sont noués avec vigueur, mais le style n’a