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loyal, généreux ; beauté, grace, jeunesse, intelligence, rien ne lui manque, et nous serions tenté d’accuser la magnificence avec laquelle l’auteur l’a doté, si toutes ces vertus ne trouvaient leur emploi.

La fable dans laquelle se meuvent ces personnages est rapide et bien nouée. Les amours de Diane et du misérable qu’elle prend pour Léonard Asthon, sont racontées très simplement, et avec une naïveté qui n’a rien de factice. Les progrès de la passion dans le cœur de Diane sont analysés sagement, avec une finesse qui ne va jamais jusqu’à la ténuité. La ruse imaginée par Diane, pour sauver son amant qu’elle croit proscrit, est très hardie, mais très bien dite. Cette jeune fille, qui se résigne à la honte parce qu’elle ne pourrait appeler à son secours sans perdre l’homme qu’elle aime et qui abuse si lâchement de sa faiblesse, est digne à la fois d’admiration et de pitié. Les derniers momens de Mme de Kermic, et l’aveu qu’elle fait à son gendre, à ses petits-fils, en présence de Diane agenouillée, composent un tableau vraiment pathétique. C’est une scène de désespoir et de sanglots, de honte et de prières, d’étonnement et de colère, qui offrait de grandes difficultés, et que M. Soulié a très habilement racontée. L’arrivée de Martial au château de Grandpin, et son entrevue avec Diane, sont d’un effet déchirant. La provocation adressée à Léonard Asthon, par George de Chivri, et le duel terrible qui enlève à M. de Chivri ses deux fils aînés, ne laissent pas languir un seul instant l’attention. L’arrivée inattendue de Martial sur le lieu du combat, la lutte qui s’établit entre Martial et son père, accroissent encore l’émotion du lecteur. L’entretien de Léonard Asthon avec Diane de Chivri est conduit avec un talent très remarquable, et renferme des paroles très belles. Au moment où Diane, sûre que l’homme qui lui parle n’est pas l’homme qu’elle a aimé, appelle sur lui le regard de Dieu, et se plaint de ne pouvoir épier sa rougeur pour juger sa loyauté, le lecteur comprend que l’auteur est en pleine vérité. Le jugement qui proclame l’innocence de Léonard Asthon, et dessille les yeux de M. de Chivri, n’offre rien de bien neuf, mais ne fait pas tache dans le récit. Quant au dénouement, qui se prépare au Théâtre-Italien et s’accomplit au bois de Vincennes, il a le tort très grave d’arriver après coup. Pour que ce dénouement produisît un effet complet, il eût fallu que M. de Furières fût reconnu par Léonard Asthon avant le mariage de Diane et de Léonard. Quand Léonard a offert à Diane une réparation qu’il ne lui devait pas, personne ne s’inquiète plus de M. de Furières, et le châtiment qu’il subit paraît presque un hors-d’œuvre.

Louise est loin d’offrir le même intérêt que Diane. Non-seulement le sujet de ce second récit n’est pas choisi avec le même bonheur que le sujet du premier, mais la manière dont nous sommes amené à connaître la vie et les malheurs de Louise Cerneil a quelque chose qui excite le dégoût plus encore que l’impatience. À quoi bon nous introduire au milieu de personnages qui parlent entre eux une sorte d’argot inintelligible pour le plus grand nombre des lecteurs ? Cet échange de paroles grossières et incohérentes n’ajoute rien