Parmi les ïambes inédits, j’en trouve un dont le début rappelle, pour la forme, celui de la gracieuse élégie ; c’est un brusque reproche que le poète se suppose adressé par la bouche de ses adversaires, et auquel il répond soudain en l’interrompant :
Sa langue est un fer chaud ; dans ses veines brûlées
Serpentent des fleuves de fiel.
J’ai, douze ans en secret dans les doctes vallées,
Cueilli le poétique miel :
Je veux un jour ouvrir ma ruche tout entière ;
Dans tous mes vers on pourra voir
Si ma Muse naquit haineuse et meurtrière.
Frustré d’un amoureux espoir,
Archiloque aux fureurs du belliqueux ïambe
Immole un beau-père menteur ;
Moi, ce n’est point au col d’un perfide Lycambe
Que j’apprête un lacet vengeur.
Ma foudre n’a jamais tonné pour mes injures.
La patrie allume ma voix ;
La paix seule aguerrit mes pieuses morsures,
Et mes fureurs servent les lois.
Contre les noirs Pithons et les Hydres fangeuses,
Le feu, le fer, arment mes mains ;
Extirper sans pitié ces bêtes vénéneuses,
C’est donner la vie aux humains.
Sur un petit feuillet, à travers une quantité d’abréviations et de mots grecs substitués aux mots français correspondans, mais que la rime rend possibles à retrouver, on arrive à lire cet autre ïambe écrit pendant les fêtes théâtrales de la révolution après le 10 août ; l’excès des précautions indique déjà l’approche de la terreur :
Un vulgaire assassin va chercher les ténèbres ;
Il nie, il jure sur l’autel ;
Mais nous, grands, libres, fiers, à nos exploits funèbres,
À nos turpitudes célèbres,
Nous voulons attacher un éclat immortel.
De l’oubli taciturne et de son onde noire
Nous savons détourner le cours.
Nous appelons sur nous l’éternelle mémoire ;
Nos forfaits, notre unique histoire,
Parent de nos cités les brillans carrefours.