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REVUE DES DEUX MONDES.

« alors, peut-être… on verra si… et si, en écrivant, j’ai connu d’autre passion

Que l’amour des humains et de la vérité ! »

Ce vers final, qui est toute la devise, un peu fastueuse, de la philosophie du XVIIIe siècle, exprime aussi l’entière inspiration de l’Hermès. En somme, on y découvre André sous un jour assez nouveau, ce me semble, et à un degré de passion philosophique et de prosélytisme sérieux auquel rien n’avait dû faire croire, de sa part, jusqu’ici. Mais j’ai hâte d’en revenir à de plus riantes ébauches, et de m’ébattre avec lui, avec le lecteur, comme par le passé, dans sa renommée gracieuse.

Les petits dossiers restans, qui comprennent des plans et des esquisses d’idylles ou d’élégies, pourraient fournir matière à un triage complet ; j’y ai glané rapidement, mais non sans fruit. Ce qu’on y gagne surtout, c’est de ne conserver aucun doute sur la manière de travailler d’André ; c’est d’assister à la suite de ses projets, de ses lectures, et de saisir les moindres fils de la riche trame qu’en tous sens il préparait. Il voulait introduire le génie antique, le génie grec, dans la poésie française, sur des idées ou des sentimens modernes : tel fut son vœu constant, son but réfléchi ; tout l’atteste. Je veux qu’on imite les anciens, a-t-il écrit en tête d’un petit fragment du poème d’Oppien sur la Chasse[1] ; il ne fait pas autre chose. Il se reprend aux anciens de plus haut qu’on n’avait fait sous Racine et Boileau ; il y revient comme un jet d’eau à sa source, et par delà le Louis XIV ; sans trop s’en douter, et avec plus de goût, il tente de nouveau l’œuvre de Ronsard[2]. Les Analecta de Brunck, qui avaient paru en 1776, et qui contiennent toute la fleur grecque en ce qu’elle a d’exquis, de simple, même de mignard ou de sauvage, devinrent la lecture la plus habituelle d’André ; c’était son livre de chevet et son bréviaire. C’est de là qu’il a tiré sa jolie épigramme traduite d’Événus de Paros :

Fille de Pandion, ô jeune Athénienne, etc.[3] ;
et cette autre épigramme d’Anyté :
  1. Édition de 1833, tom. II, pag. 319.
  2. M. Patin, dans sa leçon d’ouverture publiée le 16 décembre 1838 (Revue de Paris), a rapproché exactement la tentative de Chénier de l’œuvre d’Horace chez les Latins.
  3. Édition de 1833, tom. II, pag. 344.