Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/362

Cette page a été validée par deux contributeurs.
358
REVUE DES DEUX MONDES.

Ces notes d’André sont toutes semées ainsi de beaux vers tout faits, qui attendent leur place.

C’est là, sans doute, qu’il se proposait de peindre « toutes les espèces à qui la nature ou les plaisirs (per Veneris res) ont ouvert les portes de la vie. »

« Traduire quelque part, se dit-il, le magnum crescendi immissis certamen habenis. »

Il revient, en plus d’un endroit, sur ce système naturel des atomes, ou, comme il les appelle, des organes secrets vivans, dont l’infinité constitue

L’Océan éternel où bouillonne la vie.

« Ces atomes de vie, ces semences premières, sont toujours en égale quantité sur la terre et toujours en mouvement. Ils passent de corps en corps, s’alambiquent, s’élaborent, se travaillent, fermentent, se subtilisent dans leur rapport avec le vase où ils sont actuellement contenus. Ils entrent dans un végétal, ils en sont la sève, la force, les sucs nourriciers. Ce végétal est mangé par quelque animal ; alors ils se transforment en sang et en cette substance qui produira un autre animal et qui fait vivre les espèces… Ou, dans un chêne, ce qu’il y a de plus subtil se rassemble dans le gland.

« Quand la terre forma les espèces animales, plusieurs périrent par plusieurs causes à développer. Alors d’autres corps organisés (car les organes vivans secrets meuvent les végétaux, minéraux[1] et tout) héritèrent de la quantité d’atomes de vie qui étaient entrés dans la composition de celles qui s’étaient détruites, et se formèrent de leurs débris. »

Qu’une élégie à Camille ou l’ode à la Jeune Captive soient plus flatteuses que ces plans de poésie physique, je le crois bien ; mais il ne faut pas moins en reconnaître et en constater la profondeur, la portée poétique aussi. André est ici le contemporain et comme le disciple de Lamarck et de Cabanis[2].

Il ne l’est pas moins de Boulanger et de tout son siècle par l’explication qu’il tente de l’origine des religions, au second chant. Il n’en distingue pas même le nom de celui de la superstition pure, et

  1. C’est peut-être animaux qu’il a voulu dire ; mais je copie.
  2. Qu’on ne s’étonne pas trop de voir le nom d’André ainsi mêlé à des idées physiologiques. Parmi les physiologistes, il en est un qui, par le brillant de son génie et la rapidité de son destin, fut comme l’André Chénier de la science ; et, dans la liste des jeunes illustres, diversement ravis avant l’âge, je dis volontiers : Vauvenargues, Barnave, André, Hoche et Bichat.