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cette île ; des subsides plus abondans furent transmis à ses gouverneurs, et bientôt cette politique porta ses fruits. Le célèbre statut de Drogheda, appelé loi de Poyning, du nom du lord-lieutenant qui représentait alors la royauté, limita d’une manière fort étroite les pouvoirs de l’assemblée irlandaise ; il reconnut la haute suprématie du parlement anglais, et l’initiative absolue du conseil d’Angleterre en toute matière législative.

Ces conquêtes légales furent suivies de victoires arrachées par des moyens plus terribles. Tandis que la hache d’Henri VIII et d’Élisabeth faisait tomber en Irlande la tête des grands vassaux anglais, leurs armées, pénétrant enfin au cœur du pays, imposaient aux chefs indigènes des soumissions qui devenaient effectives du jour où l’on se montrait fort et résolu. Après que l’Angleterre eut triomphé de la grande insurrection de Tyrone, l’Irlande comprit que c’en était fait à jamais de sa sauvage indépendance, et que le temps était venu où son génie devait reculer devant un autre. L’érection de ce pays en royaume, opérée par Henri VIII[1], constate l’importance croissante que l’Angleterre attachait à sa colonie, et sa ferme volonté de la lier plus étroitement à la couronne.

La conviction, de plus en plus générale, qu’une plus longue résistance devenait impossible devant des forces aussi imposantes, aurait frayé à l’obéissance des voies faciles, si un nouvel obstacle ne s’était élevé entre les deux pays à l’époque même où leur réunion semblait possible ; obstacle plus insurmontable encore que tous ceux par lesquels ils avaient été jusqu’alors séparés.

Les nombreux armemens de Henri VIII, la belle armée confiée par Élisabeth à la présomptueuse imprudence du comte d’Essex, auraient réduit l’Irlande à l’obéissance, et la résignation serait bientôt sortie de cette obéissance même, s’il ne s’était agi que d’une conquête territoriale, alors inévitable, et d’une domination politique que les plus farouches ennemis de l’Angleterre se sentaient désormais trop faibles pour repousser. Mais, en important les lois britanniques en Irlande, on prétendit aussi y importer un évangile nouveau, et l’on exigea simultanément de ce peuple le sacrifice de sa foi et celui de sa nationalité. Élisabeth n’admettait pas, et peut-être est-elle absoute à cet égard par l’opinion unanime de son temps, que la souveraineté politique n’entraînât pas la souveraineté religieuse, et qu’il fût loisible à des sujets de professer d’autres croyances que celles

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