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DE L’IRLANDE.

PREMIÈRE PARTIE.

Tandis que par toute l’Europe le droit est sorti des violences de la conquête, et que les élémens les plus hostiles ont enfanté par leur fusion des nationalités fortes et compactes, une union s’est formée qui, après sept siècles de durée, ne semble guère plus étroite qu’au premier jour. Il est une contrée où la civilisation des temps modernes a dépassé les rigueurs qu’infligèrent aux nations les barbares vomis sur le monde romain, où les vaincus perdirent avec l’indépendance les droits même que la nature départit à tous les êtres. Déclaré incapable de posséder comme de transmettre, ne pouvant se relever par son travail de l’exhérédation qui pesait sur lui, l’homme n’y tint plus à la vie que par l’espoir de la vengeance. Destitué de tous les droits de la famille, placé en dehors de la société civile, il devint de plus en plus étranger à ses transactions, et finit par repousser comme odieuses toutes les obligations qu’elle impose. Redescendu jusqu’à la barbarie, sa haine y puisa des ressources aussi terribles qu’inattendues : alors les vainqueurs s’arrêtèrent à leur tour et commencèrent à pénétrer le danger de leur œuvre.

Ils comprirent qu’il n’y avait pas de milieu entre une extermination physiquement impossible et un système au moins partiel de redressement. Dans ces demeures dont les possesseurs venaient de succomber sous la forfaiture, on ne pouvait reposer la nuit sans entendre siffler des balles ou voir se dresser dans l’ombre un furtif in-