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François Hotman. À un système de ce genre, il faut nécessairement, pour support, l’admission des Gallo-Romains au partage de tous les droits de la nation franke. Mably faisait dériver cette admission de la prétendue faculté accordée aux Gaulois de renoncer à la loi romaine pour vivre sous la loi salique, et de s’incorporer ainsi à la société des vainqueurs. L’auteur de la Théorie des lois politiques, ne trouvant aucune preuve suffisante de cette liberté de naturalisation, l’abandonne ; mais, par une conjecture plus étrange encore, elle avance que les Gaulois, restés comme vaincus, inférieurs et dégradés quant aux droits civils, devinrent les égaux des Franks en droits politiques, et cela par un trait de haute prévoyance de ces habiles et sages conquérans[1]. Cette thèse, purement logique, a, sur celle de Mably, l’avantage d’être plus tranchante et de n’admettre aucune exception. Selon Mlle de La Lézardière, tous les Gallo-Romains de condition libre siègent dans les assemblées législatives ; ils sont membres du souverain, au champ de mars comme au champ de mai, sous Clovis comme sous Charlemagne ; Charlemagne n’est plus le restaurateur des droits du peuple, car le peuple, depuis la conquête, n’a jamais cessé de jouir de ses droits dans toute leur plénitude ; le peuple, c’est l’armée ; l’armée, c’est la collection de tous les hommes libres vivant sous la monarchie franke, sans distinction de race, de langue et de loi[2].

Jamais les Franks, qui avaient joué de si singuliers rôles dans nos histoires systématiques, n’en avaient reçu un plus bizarre. D’une main, ils frappent sur les Gaulois, ils les dépouillent de leurs biens,

  1. « Les Francs associèrent toutes les nations soumises à leur empire au gouvernement qu’ils avaient adopté, et ne laissèrent subsister aucune différence entre le sort politique des vaincus et des vainqueurs… L’intérêt le plus cher des Francs avait déterminé cette communication du droit politique national aux nations assujetties et même aux malheureux Gaulois. Si les Francs n’avaient pas associé les divers citoyens de l’état aux avantages qu’ils avaient stipulés pour eux-mêmes en établissant la royauté, on eût vu les rois se servir des nations soumises pour asservir les conquérans même, et la monarchie eût péri sous le despotisme. » (Théorie des lois politiques, etc., tom. VIII, conclusion, pag. 80.)
  2. « L’assemblée des calendes de mai fut la même que l’assemblée des calendes de mars ; l’époque seule changea. — L’assemblée générale qui était appelée champ de mai, synode ou placite, était envisagée comme l’assemblée des Francs ou de tous les Francs. — L’assemblée des Francs qui était appelée champ de mai, synode ou placite, était encore connue comme assemblée générale du peuple, ce qui signifie qu’elle réunissait les diverses nations qui composaient le peuple franc. — Les citoyens des diverses nations qui formaient le peuple de la monarchie avaient séance et voix délibérative aussi bien que les Francs aux placites généraux. » (Ibid., tom. III, discours, pag. 8, 9, 11.) — « La réunion des citoyens formait l’armée générale, et cette armée partageait le pouvoir politique dans les placites généraux. (Ibid., tom. VIII, discours, pag. 57.)