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ou la confédération germanique pouvaient seules rétablir la question par leurs armes. À cela, nous avons répondu que si on entrait en Belgique, nous y entrerions. C’est que nous ne devions risquer la guerre générale que pour les Belges. Pour tout ce qui est compris entre le Rhin, les Alpes et les Pyrénées, nous devons nous montrer inflexibles, nous devons défendre toute cette portion du continent comme la France elle-même. » — Et M. Thiers voudrait qu’on risquât la guerre pour une place forte qui est, dans l’Adriatique, à deux ou trois zônes du rayon qu’il traçait ! Ce seul mot de M. Thiers dit tout sur l’affaire d’Ancône.

Qu’on ne suppose pas au moins que M. Thiers, qui voulait qu’on risquât la guerre pour les Belges, voulût étendre leurs limites actuelles. Ces limites lui semblaient très suffisantes, et l’énumération suivante des avantages accordés par les puissances à la Belgique en fait foi. « Il fallait donner des frontières à la Belgique, dit M. Thiers. On a obtenu pour elle celles de 1790, mais avec des avantages qu’elle n’avait pas. Elle échange une portion du Limbourg contre des enclaves que la Hollande possédait ; elle a perdu une petite portion du Luxembourg, mais elle a, de plus qu’en 1790, la province de Liége, Philippeville et Marienbourg. Elle a la liberté de l’Escaut ; elle a la libre navigation des fleuves et des canaux de la Hollande. Elle peut en ouvrir de nouveaux sur le territoire de cette nation. Elle a Anvers au lieu de Maëstricht, c’est-à-dire du commerce au lieu de moyens de guerre. Elle supporte un tiers de la dette néerlandaise, en représentation de la dette austro-belge, antérieure à 1789, de la dette franco-belge, comprenant le temps de la réunion à la France, en représentation, enfin, de la part qu’elle devait prendre dans la dette contractée depuis 1815 par le royaume des Pays-Bas. Ces trois parts n’égalent pas sans doute le tiers qu’elle supporte, mais les avantages commerciaux qu’on lui a cédés présentent une surabondante compensation. « La Hollande perd le Luxembourg, qui lui avait été donné en échange des principautés héréditaires de Dietz, Dillembourg, Hadamar, Siégen. Elle voit lui échapper l’immense monopole de l’Escaut ; enfin, on lui ravit cette Belgique qui, en 1815, avait été une consolation du cap de Bonne-Espérance et de tant de colonies perdues. A-t-on été bien injuste, bien dur envers les Belges, bien partial pour Guillaume ? »

« Ainsi, en récapitulant ce que la Belgique et nous avons gagné, nous dirons que la Belgique a gagné :

« D’être détachée de la Hollande ; reconnue ; constituée mieux qu’en 1790 ; pourvue de routes, de communications, d’avantages commerciaux ; rendue neutre, ce qui veut dire garantie de la guerre ou secourue forcément par la France, l’un ou l’autre infailliblement ; pourvue d’un roi qui la chérit déjà, et qui est la seule personne devenue populaire dans ce pays depuis un an et demi ; appelée enfin à un bel avenir.

« Nous dirons que la France a gagné :

« D’abord, tout ce qu’a gagné son alliée ; ensuite, la destruction du royaume