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ministère nous ont prouvé que sa politique n’est pas contraire à celle du 13 mars et du 11 octobre ; que ses actes extérieurs surtout sont la conséquence naturelle, forcée de cette politique. D’où vient donc que M. Thiers, qui approuvait si éloquemment cette politique, dans ces actes même, vient les combattre aujourd’hui ? Mais nous l’avons dit, M. Thiers ne les combat pas en réalité. Il paie avec embarras un tribut à une coalition dont il sent déjà le poids, et dont il avait si bien défini d’avance les inconvéniens, quand il les résumait par ce terrible mot : déconsidération publique. Aussi M. Thiers n’ira pas loin dans cette voie, nous le croyons. Au nombre des facultés dont il est doué, et qui manquent à M. Guizot, M. Thiers a celle de s’arrêter à point. Il a déjà grandement modifié la forme de ses paroles et la nature de ses argumens depuis le vote des deux premiers paragraphes de l’adresse, où quelques paroles blessantes étaient tombées de sa bouche contre des hommes honorables, qui remplissent un noble devoir, paroles bien injustes, puisqu’elles s’adressaient à une majorité qui ne compte pas un candidat aux portefeuilles, et qui ne renferme pas vingt fonctionnaires publics, tandis que, dans la coalition, plus de cinquante fonctionnaires trahissent, dans les ténébreux mystères du scrutin secret, le gouvernement dont ils reçoivent un salaire. Il n’importe ? M. Thiers, inspiré peut-être par le salutaire exemple de la violence de M. Guizot, s’est modéré, et nous ne doutons pas que si la majorité de la chambre persiste dans sa noble ténacité, M. Thiers ne revienne bientôt tout-à-fait à lui-même, à ce qu’il était quand il résumait, dans quelques aperçus que nous allons lui rappeler, la politique qui a le mieux réussi à la France.

En 1831, M. Thiers était déjà fatigué des déclamations auxquelles se livraient les partis qui le soutiennent aujourd’hui. « Il est aisé, s’écriait-il, de ramener les cœurs, de fausser les esprits, en parlant des malheureux Polonais, des malheureux Italiens, des malheureux Belges, livrés à la sainte-alliance ; mais que les gens à qui les déclamations plaisent moins que les faits, examinent et jugent, disait-il, et ils verront ce qu’il y a de réel dans cet amas immense de déclamations obstinément répétées, après avoir été mille fois repoussées à la tribune et dans les journaux. » Et M. Thiers, pour en venir aux faits, en citait un bien concluant, et disait : « Les puissances qui, pour en finir avec nous, ont détruit le royaume des Pays-Bas, et ont causé au roi Guillaume tous les déplaisirs qu’on sait, n’avaient certainement pas envie de nous faire la guerre. » Aux yeux de M. Thiers, les traités de 1815 étaient une nécessité, et il eût été maladroit de les déchirer. Or, ce que nous n’avons pas fait pour les traités de 1815, dont la rupture nous donnait au moins l’éventualité d’une limite sur le Rhin, le ferions-nous pour la convention du 16 avril 1832 ? Refuserions-nous de rendre Ancône, qui ne nous appartient pas, quand nous avons refusé de nous emparer des provinces rhénanes qui nous ont appartenu et qui sont plus à notre convenance ? On a cité à la tribune le mot de Napoléon qui écrivait de Milan que la ville d’Ancône devait rester