fragmens de textes latins accompagnés d’une version française. L’auteur et ses savans amis croyaient à la vertu d’un pareil cadre pour exclure toute hypothèse et n’admettre rien que de vrai ; mais c’était de leur part une illusion. Le pur témoignage des monumens historiques ne peut sortir que de ces monumens pris dans leur ensemble et dans leur intégrité ; dès qu’il y a choix et coupure, c’est l’homme qui parle, et des textes compilés disent, avant tout, ce que le compilateur a voulu dire. La vanité de ce grand appareil de sincérité historique se montre à nu dès l’épigraphe du livre composée de mots pris çà et là dans le prologue de la loi salique : La nation des Francs, illustre… forte sous les armes… profonde en conseil… car cette nation est celle qui, brave et forte, secoua de sa tête le dur joug des Romains… Dans ce peu de lignes, élaguées avec intention, il y a tout un système en germe, ou en puissance comme disent les mathématiciens[1].
Le fond de ce système n’est pas difficile à pénétrer ; il consiste à voir, chez la nation des Franks, avec l’énergie guerrière, l’instinct politique et une prudence capables de lui donner, en Gaule, l’empire moral en même temps que la domination matérielle, à faire, de la lutte acharnée entre les Francs et les Romains, une guerre de principe où la liberté germanique et le despotisme impérial sont aux prises, et où la liberté triomphe. C’est là, en effet, le point de départ, la base première de la Théorie des lois politiques de la monarchie française[2]. Dans le système de Mlle de La Lézardière, la conquête devient, sinon en intention, du moins par le fait, une délivrance pour les Gaulois ; et cette nouvelle théorie, construite à grands frais d’érudition, de raisonnement et de preuves, nous ramène, par une voie toute savante et toute philosophique, à l’hypothèse puérile du vieux
- ↑ Les suppressions portent sur ce qui présente un caractère d’étrangeté sauvage, et rappelle l’idée de la barbarie. Voici le passage entier : Gens Francorum inclyta, auctore deo condita, fortis in armis, firma pacis fœdere, profunda in consilio, corpore nobilis et incolumis, candore et forma egregia, audax, velox et aspera… Hæc est enim gens, quæ fortis dùm esset et robore valida, Romanorum jugum durissimum de suis cervicibus excussit. (Prologus ad pactum legis salicæ, apud script. rerum Gallic. et Francic., tom. IV, pag. 122, 123.)
- ↑ « L’état des Gaulois, sous le gouvernement impérial, fut la servitude politique la plus avilissante et la plus cruelle. Les Germains indépendans et vainqueurs ne connurent ce gouvernement que pour le détester et le détruire. Leur législation primitive fut le triomphe des principes et des coutumes germaniques sur les principes opposés de la législation romaine… Les Francs, en établissant leur puissance dans les Gaules, substituèrent un gouvernement qui leur fut exclusivement propre, au gouvernement que les Gaulois avaient connu sous le joug des empereurs romains. » (Théorie des lois politiques, etc., tom. VIII, conclusion, pag. 80.)