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STANCES À LA PRINCESSE MARIE.


D’abord, ce fut cet art, dont vous étiez ravie,
Qui souleva sa haine ; et, dès les premiers temps,
Le ciseau s’échappa de vos doigts défaillants ;
Et pour vous consoler de votre muse enfuie,
Emportant les plaisirs, et la joie, et les chants,
La Mort ne vous laissa que la Mélancolie,

Hélas ! et plût à Dieu qu’en vous prenant aux arts,
Elle vous eût laissée au moins à l’existence.
La Mort a tout voulu, dans son désir immense,
Et vos moindres pensers, et vos moindres regards ;
Et pour vous arracher à la douce influence
De l’amour exhalé vers vous de toutes parts,

Sans pitié pour les pleurs de votre auguste mère,
Pour tant de désespoirs et tant d’afflictions,
Insensible aux sanglots étouffés et profonds
Du roi qui, pour verser une larme de père,
Dérobait en cachette une heure aux nations,
Elle vous a ravie à la douce lumière.

Et sa funeste main, prompte à vous dépouiller,
A dispersé dans l’air les roses que Dieu sème.
Votre sort fut cruel, mais, pour vous consoler,
Vous avez les regrets du peuple qui vous aime ;
Et sur chaque débris de votre diadème
Vous pouvez voir d’en haut une larme trembler.

Ces larmes qu’on ne donne ici-bas qu’aux apôtres,
Qui montent vers le ciel une palme à la main,
Ces larmes, prenez-les, car elles sont bien vôtres,
Et de leur pur cristal faites-vous, en chemin,
Un brillant diadème à votre front serein ;
Madame, celui-là vaut mieux que tous les autres.


Henri Blaze.