Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
REVUE DES DEUX MONDES.

raison. Il a eu fort à faire avec ceux de la montagne de Yanbo, qui font partie de la grande famille de Harb, et occupaient un poste jugé inexpugnable par le fameux Saoûd ; mais enfin le lieutenant-général du vice-roi dans le nord du Hidjâz, Khourschid-Pacha, en est venu à bout l’an dernier, et les caravanes sont désormais affranchies du lourd tribut qu’elles payaient encore naguère aux Arabes de la Péninsule.

Ce résultat devrait suffire au vice-roi, mais, de fait, ne suffit point à son ambition. Elle veut l’Arabie tout entière (moins les contrées sur lesquelles la compagnie des Indes a étendu son protectorat, car je crois le pacha assez sensé pour ne point entrer en compétition avec une puissance européenne du premier ordre). À cet effet, l’ambition de son altesse soutient, depuis plus de vingt ans, une guerre dont les résultats, quelque heureux qu’on les suppose, seront toujours nuls relativement aux dépenses qu’elle entraîne, et dont le caractère le plus tranché est de ne jamais offrir rien de définitif dans quelque phase qu’on la considère.

Au moment où je mis le pied sur le sol d’Arabie, à Vanbo (septembre 1837) Ismaïl-Bey venait d’essuyer une déroute complète dans le Nadjd, et Khourschid-Pacha avait eu beaucoup de peine à contenir les Arabes de la vallée de Safra, sur la route de Médine à la Mecque. Le chef des Wahhâbites de l’Assîr, instruit de la déconfiture des Turcs, dans le Nadjd, prit bientôt une attitude menaçante, et à son instigation, les Arabes de Ghâmid, Zahrân, etc., autrefois soumis par Mohammed-Aly, refusèrent de payer le tribut. On eût dit que l’Arabie allait échapper au pacha. Les habitans des villes occupées par ses troupes ne prenaient pas même la peine de dissimuler leur joie. — Dix mois après, toutes les tribus révoltées étaient rentrées sous son obéissance ; mais le fait est que dans tout ce laps de temps, et à travers toutes ces oscillations, la situation relative des Arabes et des Turcs, n’a point changé d’une quantité appréciable, parce que ni les uns ni les autres ne savent tirer parti d’un succès obtenu pour en obtenir de nouveaux. On conçoit qu’entre ennemis de cette force, un événement militaire a beaucoup moins de gravité qu’entre nous autres Européens, et qu’en Arabie, une bataille gagnée ou perdue ne tire pas à conséquence. Les choses en sont à ce point que Mohammed-Aly restant à la tête des affaires, il n’y a danger ni pour l’Arabie d’être conquise, ni pour les Turcs d’être expulsés des points qu’ils occupent sur le littoral de la mer Rouge (je