Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

sa place naturelle dans les prolégomènes du volume où il réunit tous les actes, soit inédits, soit déjà publiés, de l’époque mérovingienne[1]. Mais, loin de la résoudre à l’aide de tant de documens rassemblés pour la première fois, Bréquigny ne se l’est pas même proposée. Dans ce volume, premier tome d’une collection qui devait être gigantesque, son talent, comme éditeur de textes, se montre admirable. Sa discussion de l’authenticité de chaque diplôme est un modèle de sagacité et de sens critique ; mais, quand il discute sur les mœurs et sur les institutions du temps, quand il veut présenter l’esprit de ces actes dont la teneur a été si nettement établie par lui, ses vues sont courtes et embarrassées. Rien de ce qu’il y a de grand dans le spectacle du VIe et du VIIe siècle ne lui apparaît, ni l’antagonisme des races, ni celui des mœurs, ni celui des lois, ni celui des langues ; il n’est frappé ni de la vie barbare, ni de la vie romaine coexistant et se mêlant sur le même sol ; il se préoccupe de questions secondaires et de points légaux tels que la majorité des rois, le rôle de la puissance royale dans l’élection des évêques, le pouvoir des évêques sur les monastères, les immunités du clergé. Cette légalité dont on croyait alors devoir suivre le fil, à travers douze siècles, jusqu’à l’établissement de la monarchie, pèse sur lui, comme il en avait porté le poids dans ses considérations sur les communes. Au lieu d’être saisi par ce qu’il aperçoit de plus étranger à son temps, il s’inquiète surtout de relever les choses qui sont à la fois du présent et du passé ; et pourtant, au moment même où il écrivait ses prolégomènes, tout ce qui avait racine dans le passé, l’œuvre des douze siècles, s’écroulait déjà sous la main de l’assemblée constituante. Bréquigny avait entendu le bruit de cette révolution au milieu de ses chartes dont le dépôt, formé par tant de soins, allait être clos ou dispersé ; il y fait allusion, mais dans de singuliers termes qui prouvent qu’il ne se rendait pas un compte bien juste des grands faits sociaux de notre histoire. Le titre de roi des Français, donné à Louis XVI par la nouvelle constitution, lui semble un retour au style officiel de la première race[2].

  1. Ces prolégomènes, commentaire critique et historique très développé, occupent 380 pages en tête du volume dont voici le titre : Diplomata, Chartæ, etc. Pars prima quæ diplomata, chartas et alia ad id genus instrumenta, quotquot ab origine regni Francici repetita supersunt, vel huc usque anecdota vel ad fidem manuscriptorum codicum diligenter recognita, complectitur. Tomus I.
  2. « Le titre de roi des Francs ou des Français, dont l’antiquité vénérable remonte à l’origine de notre monarchie, et que nos rois ont porté durant tant de siècles, vient enfin de leur être rendu par la voix unanime de la nation assemblée, et confirmé par la sanction du roi même. » (Diplomata, Chartæ, Epistolæ et alia documenta ad res Francicas spectantia. Prolégomènes, pag. 172.)