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ditions de l’existence communale ont été les mêmes dans tous les temps. Il est vrai qu’il admet la révolte populaire comme principe de l’affranchissement attribué avant lui à la politique de Louis-le-Gros, mais c’est la révolte fortuite, isolée, provenant de griefs locaux et individuels, non l’insurrection suscitée par des causes sociales qui agissent invinciblement, dès que le temps est venu, et propagent d’un lieu à l’autre l’impulsion une fois donnée. Enfin, il n’a point reconnu le double mouvement de cette révolution, le mouvement de réforme qui, parti de l’Italie, gagnant les villes du midi de la Gaule, et travaillant sur le vieux fonds romain de leurs institutions, les rendit plus libres, plus complètes, plus artistement développées, et le mouvement d’association pour la défense des intérêts civils qui, se produisant dans les villes du nord, d’une façon plus rude, plus simple, et en quelque sorte élémentaire, y créa des constitutions énergiques, mais incomplètes, dont les élémens hétérogènes furent pris de tous côtés comme au hasard, et qu’on pourrait nommer des constitutions d’aventure.

Bréquigny a, le premier, mis la main au débrouillement des origines du tiers-état ; c’est une gloire que notre siècle, s’il est juste, doit attacher à son nom. Peut-être n’eut-il pas clairement la conscience de ce qu’il faisait ; personne, du moins, de ses contemporains ne vit, dans ce travail sur les communes et sur les bourgeoisies, un trait de lumière jeté sur une face inconnue de notre histoire, un point de départ pour des recherches à la fois neuves et fécondes. Le public n’y fit aucune attention ; emporté alors dans les voies du système de Mably, il n’attacha pas plus d’importance qu’auparavant à la question des communes, et l’opinion de routine, celle de leur affranchissement par Louis-le-Gros, continua de dominer ; son règne n’a fini que de nos jours. Pour la renverser, il a fallu que le temps vînt où l’on pourrait appliquer aux révolutions du passé le commentaire vivant de l’expérience contemporaine, où il serait possible de faire sentir, dans le récit du soulèvement d’une simple ville, quelque chose des émotions politiques, de l’enthousiasme et des douleurs de notre grande révolution nationale.

Il y a, pour l’histoire du tiers-état, qui est, à proprement parler, l’histoire de la société nouvelle, deux grandes questions autour desquelles gravitent, pour ainsi dire, toutes les autres, celle de la durée du régime municipal romain après la conquête germanique, et celle de la fondation des communes. Bréquigny avait traité la seconde, une occasion s’offrit pour lui de toucher à la première ; elle trouvait