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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

l’historien. Suivant la définition de Bréquigny, la ville de commune est celle qui, « outre ses coutumes particulières, outre ses franchises, outre sa juridiction propre, jouissait de l’avantage d’avoir des citoyens unis en un corps par une confédération jurée, soutenue d’une concession expresse et authentique du souverain[1]. » S’il énonce que l’acte fondamental de la commune était « la confédération des habitans unis ensemble par serment pour se défendre contre les vexations des seigneurs, » il observe aussitôt que « cette confédération n’était proprement qu’une révolte tant qu’elle n’était pas autorisée ; » et il ajoute : « Le seigneur immédiat et principal devait contribuer à l’établissement de la commune, et lui donner en quelque sorte une première forme ; le roi devait l’autoriser par une concession spéciale. — La même autorité qui avait établi la commune pouvait seule la modifier, la supprimer ou la rétablir. — Les souverains qui accordaient les communes, n’épuisaient pas leur autorité à cet égard par une première concession ; ils demeuraient toujours les maîtres d’y faire les changemens qu’ils croyaient convenables. Leur qualité de législateurs attachait à leur personne le pouvoir inaliénable d’exercer leur autorité sur cette portion du droit public de leur royaume[2]. »

Rien de plus exact que ces propositions considérées du point de vue judiciaire, selon la pratique des parlemens et du conseil ; mais, sous le rapport historique, elles sont étroites, incomplètes, bornées à une seule face de la question. En effet, le pouvoir législatif de la royauté, dans les temps où les villes s’affranchirent et se constituèrent en communes, était loin d’être universel comme il l’a été depuis. Au XIIe siècle, son action était nulle sur les deux tiers du sol moderne de la France, et très imparfaite sur le reste. Il suit de là qu’on fait un anachronisme et qu’on dénature le grand évènement de la révolution communale, quand on le resserre dans les limites posées par la teneur des actes royaux. Bréquigny a mis en relief quelques traits de cet événement, mais il en a méconnu, selon moi, le sens et la portée. Il y eut, au XIIe et au XIIIe siècle (qu’on me passe l’expression), une immense personnalité municipale que les siècles suivans mitigèrent et amortirent de plus en plus. C’est ce dont les aperçus de l’illustre érudit, quelque justes qu’ils soient d’ailleurs, ne donnent pas la moindre idée, car ils feraient croire que les con-

  1. Ordonnances des rois de France, tom. XI, préface, pag. 5.
  2. Ibid., pag. 23, 27 et 46.