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— Nous ne rejetons pas toute la révélation, reprit-il vivement, et le sens intérieur nous suffit jusqu’à un certain point ; mais nous y joignons d’autres preuves encore : quant au passé, le témoignage de l’humanité tout entière ; quant au présent, l’adhésion de toutes les consciences pures au culte de la Divinité, et la voix éloquente de notre propre cœur.

— Si je vous entends bien, repris-je, vous acceptez de la révélation ce qu’elle a d’éternellement divin, les grandes notions sur la Divinité et l’immortalité, les préceptes de vertu et de devoir qui en découlent.

— Et aussi, interrompit-il, les grandes découvertes de la science, les chefs-d’œuvre de l’art et de la poésie, les novations des réformistes de tous les pays et de tous les temps. Tout ce que l’homme appelle inspiration, je l’appelle aussi révélation ; car l’homme arrache au ciel même la connaissance de l’idéal, et la conquête des vérités sublimes qui y conduisent est un pacte, un hyménée entre l’intelligence humaine qui cherche, aspire et demande, et l’intelligence divine qui, elle aussi, cherche le cœur de l’homme, aspire à s’y répandre, et consent à y régner. Nous reconnaissons donc des maîtres, de quelque nom que l’on ait voulu les appeler. Héros, demi-dieux, philosophes, saints ou prophètes, nous pouvons nous incliner devant ces pères et ces docteurs de l’humanité. Nous pouvons adorer chez l’homme investi d’une haute science et d’une haute vertu un reflet splendide de la Divinité. Ô Christ ! un temps viendra où l’on t’élèvera de nouveaux autels, plus dignes de toi, en te restituant ta véritable grandeur, celle d’avoir été vraiment le fils de la femme et le sauveur, c’est-à-dire l’ami de l’humanité, le prophète de l’idéal.

— Et le successeur de Platon, ajoutai-je.

— Comme Platon fut celui des autres révélateurs que nous vénérons, et dont nous sommes les disciples.

— Oui, poursuivit Alexis après une pause, comme pour me donner le temps de peser ses paroles, nous sommes les disciples de ces révélateurs ; mais nous sommes leurs libres disciples. Nous avons le droit de les examiner, de les commenter, de les discuter, de les redresser même ; car, s’ils participent, par leur génie, de l’infaillibilité de Dieu, ils participent, par leur nature, de l’impuissance de la raison humaine. Il est donc, non-seulement dans notre privilége, mais dans notre devoir, comme dans notre destinée, de les expliquer et d’aider à la continuation de leurs travaux.

— Nous, mon père ! m’écriai-je avec effroi. Mais quel est donc notre mandat ?