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tres dépôts de l’Angleterre. Cinq volumes de la collection des ordonnances, publiés de 1763 à 1790, sont de lui ; et, quand le gouvernement de Louis XV entreprit de donner un recueil universel des actes publics de la France, c’est lui qui fut chargé de cet immense travail, conjointement avec son ami La Porte du Theil. Leur association produisit trois volumes in-folio, l’un de chartes et diplômes de l’époque mérovingienne, et deux de lettres des papes[1]. Ils les présentèrent au roi Louis XVI, en 1791, et, un an après, l’ouvrage était suspendu par ordre, les exemplaires étaient jetés au rebut, et les matériaux enfouis dans les cartons de la Bibliothèque nationale. Bréquiguy mourut en 1795 ; il a fallu quarante années pour que son héritage scientifique fût recueilli, pour que l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres reçût la mission de construire l’édifice dont il n’avait posé que les fondemens[2].

À ses mérites comme investigateur et éditeur infatigable, Bréquigny joint celui d’avoir fait en histoire critique les deux morceaux qui ont le moins vieilli parmi tous les traités de la même date. Ce sont les Mémoire sur les Communes, et le Mémoire sur les Bourgeoisies, servant de préface, l’un au tome XI et l’autre au tome XII du recueil des ordonnances. Pour la première fois, le problème des libertés municipales au moyen-âge fut nettement posé et embrassé largement. La dissertation sur les communes, la plus importante des deux, établit des distinctions qui n’avaient pas encore été faites : celle de l’ancien municipe conservant des franchises immémoriales, et de la commune affranchie par l’insurrection et constituée par le serment ; celle de la ville de commune civilement et politiquement libre, et de la ville de bourgeoisie privilégiée quant aux droits civils, sans aucune liberté politique. Ainsi les divers élémens du sujet sont aperçus et démêlés avec une rare intelligence, mais cette fermeté de vue ne se soutient pas dans le cours de la discussion historique. L’auteur s’y préoccupe trop de l’idée de la commune légale, idée de jurisconculte qui jette un jour douteux, (sinon faux, sur les déductions de

  1. Diplomata, Chartæ, Epistolæ et alia documenta ad res Francicas spectantia, ex diversis regni exterarumque regionum archivis ac bibliothecis, jussu Regis Christianissimi, multorum eruditorum curis, plurimùm ad id conferente congregatione S. Mauri, eruta. — Le premier volume eut pour éditeur Bréquigny, les deux autres furent publiés par La Porte du Theil.
  2. Au mois de mars 1832, elle a été chargée par le gouvernement de publier la collection complète des chartes, diplômes et actes de tout genre, et de continuer la table chronologique des pièces déjà imprimées. (Voyez la préface de M. Pardessus, en tête du quatrième volume de cette table chronologique.)