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GLASGOW.

vous le promets encore. — C’est bien ; maintenant appelle le geôlier : qu’il avertisse le magistrat, et nous allons tout lui dire.

Les deux misérables racontèrent en effet comment eux-mêmes avaient commis le vol dans la maison de Fraser, et avec des détails si précis, faisant même connaître l’endroit où une partie des objets volés étaient encore cachés, qu’il fallut bien les croire ; on s’empressa de mettre Dixon en liberté ; on lui offrit toutes les consolations et toutes les réparations possibles. Dixon ne demanda qu’une chose : l’abolition de la question. L’opinion publique se prononça avec tant d’énergie à l’appui de sa demande, que la cour de justice de Glasgow s’exécuta de bonne grace, et renonça pour jamais à l’emploi d’un moyen dont l’évènement venait de démontrer l’abus.

Ce fut au commencement de 1736 que la question fut abolie à Glasgow. Il est inutile d’ajouter que Dixon épousa miss Flora Fraser, le vieux Fraser ne pouvant plus refuser son consentement après un pareil éclat.

L’abolition de la question n’augmenta pas le nombre des crimes, comme l’avaient annoncé les partisans de cette cruelle procédure. Dans une ville aussi grande que Glasgow, les voleurs et les filous sont nombreux ; mais le nombre en est proportionnellement beaucoup moins considérable qu’à Londres. Comme à Londres, cependant, leur audace égale leur adresse ; quelques uns d’entre eux font même parade d’une certaine courtoisie. En veut-on la preuve ? je la trouve en parcourant un journal. À la fin de l’hiver de 1835, une jeune femme, pressée par le besoin, se dirigeait un soir vers le mont-de-piété, tenant à la main un petit paquet qu’elle se proposait d’échanger contre un prêt. Un voleur la suivait. Arrivé dans une rue déserte, il l’accoste et lui ordonne de lui remettre ce qu’elle tient. C’est tout ce qui me reste au monde, répond la malheureuse femme ; c’est ma montre que j’allais mettre en gage au mont-de-piété. — Pauvre femme lui répond le voleur en examinant la montre, qu’alliez-vous faire ? votre montre est un vrai bijou, elle vaut au moins dix guinées, et ces fripons ne vous en prêteraient pas trois ; moi, je vous en donne cinq. — Et, sans attendre la réponse de la femme, il met la montre dans sa poche, lui compte cinq guinées et s’enfuit. — Le journal que je cite est de l’avis du voleur, et prétend que la pauvre femme n’a pas fait là un mauvais marché. Le journal a-t-il raison ? je l’ignore. Mais certainement il est impossible de faire une plus sanglante satire des monts-de-piété écossais.

On donne plusieurs motifs à la diminution des vols, à la courtoisie des voleurs, et surtout au petit nombre de vols à main armée qui se commettent dans la ville et ses environs : l’aisance des classes inférieures de la société, leur instruction, leurs habitudes laborieuses. L’aisance ne serait cependant qu’une cause de sécurité momentanée ; l’instruction et la moralité qui l’accompagnent sont un préservatif plus certain et d’un effet plus constant.

Glasgow n’a, sans doute, pas les mêmes prétentions qu’Édimbourg au titre de ville littéraire et savante ; et cependant, tout occupée qu’elle paraisse de commerce et d’industrie, c’est l’une des villes de la Grande-Bretagne où