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VOYAGEURS ET GÉOGRAPHES MODERNES.

un livre élémentaire dans un idiome, que l’on fasse, quoique étranger, une belle part à la nationalité qu’il représente. C’est un devoir auquel Malte-Brun n’a pas manqué et que M. Balbi n’aurait pas dû méconnaître. À quelle préoccupation, à quelle arrière-pensée a-t-il cédé en écrivant son livre, nous n’en savons rien ; mais toujours est-il qu’il s’y réfléchit principalement et comme Italien et comme sujet de l’empereur d’Autriche. Ne lui demandez pas de citer en passant les noms français qui se rattachent à quelque localité lointaine, Jumel à propos de l’Égypte, Poivre à propos de l’île Maurice : il n’a pas à donner de telles satisfactions à l’orgueil national. Bien mieux, s’il est question, en énumérant les ressources de la viabilité italienne, de la magnifique route du Simplon, il omettra de dire qu’elle est due à l’intervention de la France et au génie de Napoléon. S’il s’agit de choisir une mesure géométrique qui règne dans tout le livre, c’est le mille italien qui sera préféré et non pas le mètre et ses multiples. Entre l’Italie et la France, s’il y a un pays à sacrifier sous le rapport de l’étendue et des développemens, la France aura le dessous. Puis, comme par expiation, l’Italie, un instant favorisée, sera à son tour immolée à l’Autriche. Le respectueux sujet n’osera pas insinuer qu’il existe dans le nord de la Péninsule italique un royaume lombardo vénitien, et il fera de Milan une ville autrichienne ; un géographe de Vienne n’aurait pas mieux dit. C’est courageusement s’effacer et s’exécuter de bien bonne grace ; on assure que M. Balbi y a gagné le titre de conseiller aulique.

Il nous reste à parler de l’ordonnance de l’Abrégé ; sous ce rapport, c’est un travail qui ne peut se défendre. Jamais on n’a rien imaginé de plus confus, de plus mal joint, de plus emmêlé. Chaque partie du monde y cherche ses membres épars : la tête est auprès des pieds, le reste du corps se disloque et s’éparpille. Tantôt c’est la division politique qui prévaut, tantôt c’est l’ordre des zones ; un moment on va de proche en proche, l’instant d’après on exécute une enjambée de deux mille lieues. C’est, à la lettre, intolérable. Le but de cette combinaison semble avoir été de masser les aperçus généraux afin d’éviter les redites ; mais ce qui en résulte en réalité, c’est de n’offrir aucune satisfaction à ceux des lecteurs, et c’est le plus grand nombre, qui demandent à une géographie des éclaircissemens partiels. On n’attaque pas de tels livres par l’ensemble, mais par le détail ; on ne les lit pas sans désemparer, mais on les consulte à bâtons rompus. Chez M. Balbi, quand on veut s’éclairer au sujet d’une ville quelconque, même de médiocre importance, il faut remonter successivement du point