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VOYAGEURS ET GÉOGRAPHES MODERNES.

pouvait ignorer, plus excusable en cela que M. Balbi, les reconnaissances de voyageurs contemporains, d’où il résulte qu’aucun fleuve ne coule ni à Mélinde ni à Patta. Le cours d’eau le plus voisin (Zeby, dans l’intérieur ; Djeba, sur la côte), se jette dans la mer à 250 milles de Mélinde. Voici maintenant une confusion plus étrange. Nous lisons à la page 874 de l’Abrégé : « On voit à Alexandrie les deux obélisques, dits Aiguilles de Cléopâtre, dont l’un est debout, et l’autre a été donné au roi de France par le vice-roi Mohammed-Ali. » Ainsi, le bloc de granit qui figure aujourd’hui sur la place de la Concorde, ne serait pas, comme on s’obstine à le croire, l’un des obélisques de Louqsor, mais bien l’une des aiguilles de Cléopâtre. Sur l’autorité de M. Balbi, il n’y a plus qu’à attaquer M. Lebas en contrefaçon ou en substitution de monument. Ce qui suit est une contradiction non moins curieuse. Page 519, on lit, à propos des essais de civilisation réalisés par Mahmoud : « Une circonstance qui doit rendre les progrès plus lents, c’est que le sultan n’a pas encore songé à établir un Journal à Constantinople. » Voilà le recto ; maintenant, prenez le verso, page 857. À l’occasion des réformes de Mohammed-Ali, il est, dit expressément : « À l’instar de l’Égypte, le sultan a aussi fondé un journal qui produira d’heureux effets. » Il est impossible de se contredire plus complètement sous la même couverture.

Laissons ces petites chicanes : Homère lui-même a pu sommeiller quelquefois ; à plus forte raison M. Balbi. L’érudition d’ensemble sauvera d’ailleurs ce que laisse à désirer l’érudition de détails. Il y a dans l’Abrégé assez de pages empruntées à Malte-Brun en principes généraux, à Bruguière, à de Buch, à Pentland en orographie, à M. Klaproth en philologie, à MM. de Humboldt, Ritter et Cuvier, en sciences accessoires, pour que l’on se garde de mettre en question l’érudition générale du livre. Les sources d’où il découle sont nombreuses ; les autorités sur lesquelles il s’appuie sont souvent décisives. À peine, dans le nombre, peut-on regretter çà et là quelques omissions importantes, et entre autres Kirkpatrick pour le Népal, Russell pour l’empire ottoman, Beatson pour Sainte-Hélène, Daniell frères, Hartfort, William Jones, Ouseley, Wilford, Solvyns, Kinneir pour l’Inde, Morier, Burnest Murray et Malcom pour le Turkestan et pour la Perse. Quand il aurait donné à ces voyageurs authentiques la place qu’occupent chez lui des voyageurs plus que suspects comme M. Douville, l’Abrégé n’aurait pu que gagner aux yeux des juges qui connaissent la valeur des noms géographiques. Mais ce sont là des péchés véniels qu’il faut gracier pour passer outre.