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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

dement la revue des monumens de notre histoire ; mais l’idée systématique de son livre fut antérieure à toute recherche des documens originaux, et conçue d’après des ouvrages de seconde main. Il eut pourtant la prétention de donner ses idées pour la voix de l’histoire elle-même, et de présenter une longue série de textes qui rendissent témoignage pour lui.

Tel est l’objet des remarques et preuves placées à la fin de chaque volume, et où se mêle, à des citations textuelles, la défense polémique des principales assertions de l’auteur. Il y a ainsi, dans l’ouvrage, deux parties distinctes : l’une, l’exposition dogmatique, raide, guindée et sentencieuse ; l’autre, la discussion, accompagnée de preuves, plus simple, plus claire, mais dépourvue de suite, d’ordre et de profondeur. Cette seconde portion du livre semble appliquée à la première comme des étais mis contre un bâtiment qui, de lui-même, ne resterait pas debout. Là se trouve le titre le plus sérieux de l’abbé de Mably à la réputation d’interprète de notre histoire, et toutefois ses remarques et preuves ne sont guère qu’un assemblage de négations ou d’affirmations téméraires, de doutes capricieux, d’attaques presque toujours gratuites contre des opinions antérieures, et d’allégations peu intelligentes des documens originaux. L’abbé Dubos est, pour le nouveau publiciste du tiers-état, un adversaire perpétuel. C’est contre lui que se dirige le plus fort de sa polémique ; il le réfute d’après Montesquieu, puis il s’attaque à Montesquieu lui-même contre lequel il argumente, à tort et à travers, frappant tantôt sur quelque assertion vulnérable, tantôt sur des opinions beaucoup mieux fondées que les siennes[1]. Quant à Boulainvilliers, il ne le reprend qu’une seule fois et sur un point unique, sa fameuse proposition Tous les Francs furent gentilshommes et tous les Gaulois roturiers[2] ; et en effet, ce seul point de dissidence levé, tout le fond du système de Boulainvilliers, pour ce qui regarde l’histoire des deux premières races, rentre dans le système de Mably.

Ce qu’il y a de plus aigre et de plus dédaigneux dans cette polémique s’adresse à la partie la plus vraie et la plus féconde du système de Dubos, la persistance du régime municipal romain[3]. Mably nie la durée de ce régime avec une suffisance incroyable. Il impute à des chimères de vanité la tradition qui attribuait à plusieurs villes un droit immémorial de juridiction sur elles-mêmes. Il voit un signe de

  1. Ibid., tome II, remarques et preuves, pag. 254, 272.
  2. Ibid., pag. 243.
  3. Ibid., tom. III, remarques et preuves, pag. 315, 325.