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c’est l’indolence. Les uns se tiennent debout au soleil ; d’autres restent assis sur le gazon. Ils restent là des heures entières muets et immobiles. Les plus heureux sont ceux qui ont une vieille pipe et un peu de tabac. En hiver, ils portent de lourdes peaux de rennes sur le corps ; en été, des blouses de vadmel (kofte) gris ou bleu, surmontées d’un collet orné de broderies en fil rouge, serrées au milieu du corps par une ceinture de cuir et ornées d’un galon de drap rouge et quelquefois d’une lisière à la partie inférieure. Leurs longs cheveux flottent sur leurs épaules, et un bonnet en drap de diverses couleurs, taillé comme une calotte, leur couvre la tête. Ils n’ont ni linge, ni bas ; un pantalon étroit descend jusqu’à leurs souliers, et quelques-uns portent de grandes bottes en cuir. Sur la poitrine, ils ont une poche en toile suspendue au cou par un épais cordon, et cachée sous leur blouse. C’est là qu’ils mettent leur bourse, leur tabac, leur cuillère en corne de renne, des aiguilles à coudre, du fil, un briquet et de l’amadou. Le costume des femmes ressemble à celui des hommes. C’est la même blouse sans collet, la même ceinture, et les mêmes souliers en cuir, terminés en pointe et garnis de foin en dedans. Mais leur pantalon ne descend guère que jusqu’aux genoux ; le reste de la jambe est caché par les cordons de souliers qu’elles tournent et retournent de manière à en faire une espèce de bas. Leur bonnet est en étoffe de couleur, surmonté, comme celui des femmes d’Islande et de Normandie, d’une pointe pareille à un cimier de casque. Elles portent à leur ceinture leur bourse, leur tabac et tout ce dont elles ont besoin pour coudre. Quelques-unes ont eu la singulière idée d’adjoindre à leur antique costume lapon un fichu d’indienne. C’est une chose horrible à voir que cette étoffe de Mulhouse tombant sur une peau de renne ou sur une blouse de vadmel. Elles ont une prédilection particulière pour tout ce qui ressemble à un bijou. Elles portent à leurs doigts de lourdes bagues d’argent ou de cuivre grossièrement travaillées, et sur leur ceinture des boutons d’argent. La plupart sont laides. Leur type de figure est celui qui a été souvent décrit par les historiens : la face plate, les joues creuses, les pommettes saillantes. Mais elles ne sont ni si laides, ni si petites, ni si sales qu’on l’a dit, et, parmi celles que j’ai vues à Hvalsund, il y en avait plusieurs remarquables par la finesse de leurs traits et la douce expression de leur visage.

Quand le prêtre parut sur le seuil de l’habitation, les Lapons, hommes et femmes, s’approchèrent de lui et vinrent le saluer selon leur coutume nationale, en lui passant la main autour de la taille comme pour l’embrasser. Ils ont pour leur prêtre un véritable attachement et un profond respect. Quand ils lui parlent, ils l’appellent toujours cher père, excellent père. Quand il entre dans leur demeure, ils se lèvent aussitôt, le prennent par la main et le conduisent au fond de leur cabane à la place d’honneur. En général, les pauvres Lapons ont été durement calomniés. Les voyageurs qui n’ont fait que voir de loin les sombres demeures où ils vivent, leur ont prêté bien des vices dont ils sont, pour la plupart du moins, très innocens. Il suffit de rester quelque temps parmi eux, de causer avec eux, de les suivre dans les diverses