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REVUE DES DEUX MONDES.

D’une intarissable indulgence,
Aimante et visible chaleur :
Ta flamme, d’orage trempée,
Ne s’éteint jamais sans espoir ;
Toi ! tu ne m’as jamais trompée
Lorsque tu m’as dit, au revoir !

Tu nourris le jeune platane,
Sous ma fenêtre sans rideau,
Et de sa tête diaphane
À mes pleurs tu fais un bandeau :
Par toute la grande Italie,
Où je passe le front baissé,
De toi seul, lorsque tout m’oublie,
Notre abandon est embrassé !

Donne-nous le baiser sublime
Dardé du ciel dans tes rayons,
Phare entre l’abîme et l’abîme
Qui fait qu’aveugles nous voyons !
À travers les monts et les nues
Où l’exil se traîne à genoux,
Dans nos épreuves inconnues,
Âme de feu, plane sur nous !

Oh ! lève-toi pur sur la France
Où m’attendent de chers absens ;
À mon fils, ma jeune espérance,
Rappelle mes yeux caressans !
De son âge éclaire les charmes ;
Et s’il me pleure devant toi,
Astre aimé ! recueille ses larmes,
Pour les faire tomber sur moi !

Je voudrais insister sur cette belle pièce, et près de l’auteur lui-même, parce qu’à la profondeur du sentiment elle unit la largeur et la pureté de l’expression. Ici aucun tourment. Il n’y a d’image un peu hasardée que celle de ce jeune platane qui, de sa tête diaphane, fait un bandeau à des pleurs, et encore on passe cela et on le comprend à la faveur de la fenêtre sans rideau qui vous a saisi. Les autres métaphores, si hardies qu’elles soient, y sont vraies, sensibles à la pensée, subsistantes à la réflexion. Oh ! que le poète, dût-il beaucoup souffrir, fasse souvent ainsi ! quand l’Italie et son soleil n’auraient valu à la chère famille errante que cette fleur sombre au parfum profond, tant de douleur ne serait pas perdue !


S.-B.

V. de Mars.