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REVUE. — CHRONIQUE.

— « Si mes chemins n’ont plus de tombes,
Oh ! oui, mon Dieu ! rendez-les moi ! »

Reprends donc de ta destinée,
L’encens, la musique, les fleurs !
Et reviens, d’année en année,
Au temps qui change tout en pleurs :
Va retrouver l’amour, le même !
Lampe orageuse, allume-toi !
— « Retourner au monde où l’on aime…
Ô mon Sauveur ! éteignez-moi ! »

Voilà bien la forme charmante, mélange de la chanson et de l’élégie, pétrie de Béranger et de Boïeldieu, la poétique romance, le cri à la fois harmonieux et impétueux :

Lampe orageuse, allume-toi !

Voilà le cadre à la fois composé et vrai, où, depuis qu’elle a laissé sa première manière d’élégie libre, pour se soucier de plus d’art, Mme Valmore nous semble réussir le mieux.

On pourrait multiplier avec bonheur les citations dans cette nuance ; mais il est des tons plus graves à indiquer. Témoin des troubles civils de Lyon en 1834, Mme Valmore a pris part à tous ces malheurs avec le dévouement d’un poète et d’une femme :

Je me laisse entraîner où l’on entend des chaînes ;
Je juge avec mes pleurs, j’absous avec mes peines ;
J’élève mon cœur veuf au Dieu des malheureux ;
C’est mon seul droit au ciel, et j’y frappe pour eux !

Elle frappa à d’autres portes encore : et son humble voix, enhardie dès qu’il le fallut, rencontra des cœurs dignes de l’entendre quand elle parla d’amnistie. Qu’on lise la pièce qui porte ce titre, et celle encore qu’elle a adressée, après la guerre civile, à Adolphe Nourrit à Lyon, à ce généreux talent dont la voix, née du cœur aussi, répond si bien à la sienne : cela s’élève tout-à-fait au dessus des inspirations personnelles de l’élégie.

Mme Valmore (ce recueil l’attesterait, quand l’amitié d’ailleurs ne le saurait pas) a elle-même connu une sorte d’exil, trop peu volontaire, hélas ! sous le ciel d’Italie. Sa petite pièce, intitulée Milan, nous la montre plus sensible encore aux maux de la grande famille humaine qu’aux beautés de l’éblouissante nature. Mais rien ne nous a plus touché, comme grandeur, élévation et bénédiction au sein de l’amertume, que l’hymne que voici :

AU SOLEIL
ITALIE.

Ami de la pâle indigence !
Sourire éternel au malheur !