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REVUE. — CHRONIQUE.

vient d’elle, et qui, d’abord obscur, puis trop tôt révélé, n’a cessé de posséder son cœur :

Comme le rossignol qui meurt de mélodie,
Souffle sur son enfant sa tendre maladie,
Morte d’aimer, ma mère, à son regard d’adieu,
Me raconta son ame et me souffla son Dieu :
Triste de me quitter, cette mère charmante,
Me léguant à regret la flamme qui tourmente,
Jeune, à son jeune enfant tendit long-temps sa main,
Comme pour le sauver par le même chemin.
Et je restai long-temps, long-temps sans la comprendre,
Et long-temps à pleurer son secret sans l’apprendre ;
À pleurer de sa mort le mystère inconnu,
Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu…

Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse :

On eût dit à sentir ses faibles battemens,
Une montre cachée où s’arrêtait le temps ;
On eût dit qu’à plaisir il se retint de vivre ;
Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre,
Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais,
Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.
Par ma ceinture noire à la terre arrêtée,
Ma mère était partie et tout m’avait quittée :
Le monde était trop grand, trop défait, trop désert ;
Une voix seule éteinte en changeait le concert !

En lisant de tels vers, on pardonne les défauts qui les achètent. En effet, le tourment de l’ame a passé souvent dans l’accent de la muse. La couleur miroite. Un rayon de soleil, tombant dans une larme, empêche parfois de voir et fait tout scintiller. Plus d’un sens reste inarticulé dans l’habitude du sanglot[1].

Tout un roman de cœur traverse ce volume, une passion çà et là voilée, mais bientôt plus forte et ne se contenant pas. Dans sa pièce à Mme Tastu, noble sœur qu’elle envie, notre élégiaque éplorée a pu dire.

Vous dont la lampe est haute et calme sous l’autan ;
...................
Que ne tourmentent pas deux ailes affaiblies

  1. Quelques obscurités pourtant sont dues uniquement à des inadvertances typographiques, qui deviennent si communes dans les publications le plus en vogue, et dont les éditeurs font trop bon marché, au détriment des lecteurs et de l’auteur. Ainsi, page 281, dans la pièce intitulée les Deux Chiens, au lieu de : laissez-leur ce bazar, il faudrait : laissez leur ce hasard ; et page 321, dans l’Ame en peine, au lieu de : je ne peux m’étendre, il faudrait : je ne peux m’éteindre.