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de la chambre à la volonté que la coalition représente comme dominante dans le conseil ? Et alors à quoi bon prendre le ministère, s’il vous plaît ?

D’ailleurs, ce calcul n’aurait peut-être pas l’effet qu’on paraît s’en promettre. Qui sait si la chambre n’est pas aussi opposée au traité des 24 articles, aussi animée contre la politique extérieure du gouvernement, que l’est M. Thiers, que le sont ses amis ? La chambre ne veut pas la guerre. Mais M. Thiers ne la veut pas non plus, sans doute. Éloigné des affaires depuis deux ans et plus, il n’a pas le secret des négociations. Son opinion se base, sans doute, sur ce qu’en Espagne, en Belgique et ailleurs, les puissances reculeront devant la France. Il y a deux opinions diverses. M. Molé a déclaré, au nom du gouvernement, dans la discussion de la chambre des pairs, que le traité des 24 articles a toute la force d’un traité ratifié, car c’est l’acte qui a constitué l’indépendance de la Belgique aux yeux des puissances, et c’est le seul. La Belgique n’est pas une de ces nations qui peuvent se soulever, changer de souverain, changer leur organisation politique, sans s’inquiéter de ce qu’en dira l’Europe. La Belgique n’est pas la France, elle n’a pas trente millions d’habitans, cent lieues de côtes, et une renommée militaire de huit cents ans qui s’accroît chaque siècle, à porter en réponse aux sommations de ceux qui lui demandent qui elle est. La Belgique n’est pas même dans les conditions de ces petits états qui assurent leur indépendance, et se gouvernent à leur gré, en se mettant à l’abri des invasions derrière les rochers et les montagnes, d’où la Suisse a long-temps bravé la puissance de l’Autriche, et d’où la Grèce a jeté son premier cri de liberté contre les Turcs. La situation de la Belgique rappelle plutôt celle de la Pologne que M. Thiers regardait, en 1830, comme impropre à favoriser une nationalité indépendante, à cause de l’uniformité de son territoire, et de la facilité avec laquelle une armée peut toujours envahir les plaines qui le composent. La Belgique l’a sagement senti quand elle a sollicité à Londres les 24 articles qu’elle voudrait écarter aujourd’hui ; quand ses plénipotentiaires demandaient aux cinq puissances que ces 24 articles fussent convertis en traité garanti par elles, indépendamment de la ratification du roi de Hollande, « afin que la Belgique et son souverain prissent immédiatement leur place dans le cercle commun des états reconnus. » (14 novembre 1831.)

Depuis, le traité accordé à la Belgique a constamment été reconnu par elle comme son droit public. En possession des deux demi-provinces placées par ce traité hors des limites de la Belgique, le gouvernement belge semble vouloir les regarder comme un dédommagement des frais d’armemens que lui ont causés l’attitude hostile et le refus de ratification dans lequel a persisté pendant huit ans le roi de Hollande. La conférence, appelée à décider sur ce point, a révisé la partie financière du traité, en vertu de la latitude que lui laissait le protocole 48, et en cela elle a cédé aux demandes du gouvernement français. De notables modifications ont été établies à Londres en faveur de la Belgique ; mais la question du territoire est restée intacte, et il